mardi 21 août 2018

États-Unis: la guerre commerciale contre la Chine est "défavorable" aux Américains


L'administration Trump entend mettre en place dès jeudi 23 août une nouvelle vague de taxes sur les importations de produits chinois. Pour une écrasante majorité d'économistes du secteur privé aux États-Unis, cette politique commerciale agressive aura des conséquences "défavorables" pour l'économie du pays.
L'administration Trump entend mettre en place dès jeudi 23 des taxes douanières de 25% sur une deuxième tranche de 16 milliards de dollars de produits chinois après avoir déjà taxé début juillet pour 34 milliards de dollars d'importations venant de Chine. Pékin entend infliger des représailles
Une écrasante majorité d'économistes du secteur privé aux États-Unis estiment que l'actuelle politique commerciale qui fait grimper les tarifs douaniers a des conséquences défavorables pour l'économie américaine, selon une enquête réalisée par la National Association for Business Economics (NABE) et publiée lundi 20 août.
"Plus de 90% des personnes interrogées considèrent que les tarifs actuels et les menaces de nouveaux tarifs ont un impact défavorable pour l'économie américaine", a indiqué le vice-président de la NABE Kevin Swift. Ils craignent aussi des dommages pour l'économie si les États-Unis devaient sortir du pacte de libre-échange Aléna, qui est actuellement en renégociation avec le Canada et le Mexique.
La Chine se prépare à une guerre commerciale depuis plus d’une décennie
En termes de préparation à une guerre commerciale avec les États-Unis, la Chine a mis en œuvre plusieurs mesures importantes. Par exemple, pendant au moins les dix dernières années, le pays a délaissé une économie purement exportatrice et réduit sa dépendance aux ventes de biens aux États-Unis. En 2018, les achats chinois de biens de consommation chinois devraient surpasser ceux des consommateurs américains. Au cours des cinq dernières années, la consommation intérieure en Chine a représenté entre 55% et 65% de la croissance économique, et la consommation privée a été le principal moteur de l’économie chinoise – PAS les exportations.
L’argument selon lequel la Chine est en quelque sorte dépendante des marchés et des consommateurs américains pour maintenir son économie en vie n’est qu’un mensonge. La Chine attire maintenant un marché au détail aussi attrayant que celui des États-Unis, et son marché intérieur pourrait prendre le relais au cas où les marchés américains seraient soudainement fermés aux exportations chinoises.
La Chine n’a plus besoin de détenir des dollars ou des actifs libellés en dollars afin de maintenir sa devise plus faible pour les marchés d’exportation.
Enfin, la Chine s’est clairement préparée à une crise considérable du dollar ou de la stabilité économique mondiale, comme en témoigne son stockage soudain et agressif de réserves d’or au cours de la dernière décennie. Seulement récemment surpassée par la Russie dans les achats, la Chine est l’un des acheteurs nationaux d’or les plus agressifs. Un stock d’or en expansion constituerait une couverture efficace contre l’effondrement du marché du dollar. Si le dollar perd son statut de réserve mondiale, des pays comme la Chine et la Russie sont bien placés pour en atténuer les dommages. Compte tenu du fait que le FMI détient officiellement environ 3.000 tonnes d’or, les globalistes sont également bien placés en cas de crash du dollar.
La Russie offre à la Chine 1 million d’hectares de terres agricoles
 
La Chine et la Russie ont récemment annoncé un nouvel âge de diplomatie entre les deux pays, à un moment où le président Trump les cible toutes les deux avec une guerre économique guidée avec précision.
Plus tôt cette semaine, la Russie a offert de renflouer la Chine contre la guerre commerciale avec Washington. En effet, Moscou a offert 1 million d'hectares (2,5 millions d'acres) de terres arables aux agriculteurs chinois pour répondre à la demande à grande échelle de soja - et, bien sûr, prévenir une pénurie de soja qui entraînerait des bouleversements politiques et sociaux à travers le pays.
Peut-être que la guerre commerciale américaine contre la Chine devrait être interprétée comme un élément d'un échiquier beaucoup plus vaste: une guerre contre l'intégration de l'Eurasie ou l'initiative One Belt, One Road (OBOR).
Valery Dubrovskiy, directeur de l’investissement pour l’Agence des investissements et des exportations en Extrême-Orient, une organisation à but non lucratif, a déclaré mardi que la Chine, la Russie et d’autres pays voisins avaient déjà manifesté un grand intérêt pour les terres agricoles. "Nous prévoyons que la plupart des investissements proviendront de la Chine", a-t-il déclaré. "Nous attendons 50% de la Chine, 25% de la Russie et 25% des autres pays, comme le Japon et la Corée".
Dubrovskiy a déclaré que les trois millions d'hectares de terres agricoles du district fédéral d'Extrême-Orient de la Russie étaient désormais disponibles pour les agriculteurs, ajoutant que la région pourrait devenir une zone de production laitière ou de culture de soja, de blé et de pommes de terre.
Par inadvertance, la guerre commerciale de Trump avec la Chine pourrait changer la donne pour Moscou, qui s'attend à ce que les investissements étrangers inondent la région.
Les experts américains du commerce et de l'agriculture ont averti que les tarifs imposés par le président Trump sur les produits chinois pourraient porter un coup dévastateur à l'Amérique rurale.
Pékin a déjà considérablement réduit ses achats de soja aux États-Unis et en a acheté un nombre record de 850.000 tonnes de Russie entre juillet 2017 et fin mai 2018, selon les chiffres de l’agence agricole russe Rosselkhoznadzor. Mais cela ne représente qu'une fraction des 800 millions de tonnes de soja que la Chine a importées jusqu'à présent cette année, selon les derniers chiffres de son agence des douanes.

C’est pourquoi la Chine s’est maintenant lancée en Russie, en tant que couverture à long terme contre le chantage des États-Unis. Ce changement sera probablement un coup dévastateur pour l’Amérique rurale, alors que les marchés d’exportation occidentale vers la Chine, vieux de plusieurs décennies, sont en train d’échapper aux produits occidentaux.

La guerre des métaux rares


La Chine est aujourd'hui le premier producteur d'un nombre important de ces métaux. Pékin produit 84% du tungstène consommé dans le monde, 67% du germanium, 85% du gallium, 87% du magnésium et jusque 95% de certaines terres rares. Cette mainmise procède d'une stratégie agencée dès les années 1980, la Chine ayant inondé de reste du monde de métaux à bas prix afin de tuer toute concurrence. Et de fait, Pékin est désormais une sorte d' « Arabie saoudite des métaux rares ».

Ce leadership est de moins en moins limité à l'amont industriel et tend à se déporter sur l'aval de la chaîne de valeur. Séduits – ou contraints – par la disponibilité des ressources en Chine, les industriels occidentaux ont accéléré ces dernières décennies les délocalisations de leurs outils de production. Souvent, ce fut l'occasion de transferts de technologies et de brevets, ce qui explique pourquoi la Chine a aujourd'hui accaparé l'ensemble de certaines filières utilisatrices de métaux rares dans les secteurs des nouvelles technologies de l'énergie et du numérique.

Exemple.  les voitures électriques. 
La Chine produit des terres rares et du graphite, composants essentiels des batteries. Elle produit peu de cobalt, produit à plus 60% par la République démocratique du Congo (RDC), mais qu'importe : en mars, Glencore, premier producteur mondial de cobalt, annonçait céder le tiers de sa production sur les trois années à venir au groupe chinois GEM, spécialisé dans le recyclage des batteries. De fait, 80% du cobalt produit en RDC est aujourd'hui exporté vers la Chine. Le PDG de Glencore, Ivan Glasenberg, a commenté un tel contrat d'approvisionnement et expliqué que si la Chine parvenait à s’approprier le cobalt, elle produirait demain les batteries, et, in fine, les voitures elles-mêmes.

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Hannibal GENSERIC 
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Point de vue : L’impuissance volontaire des gouvernements russe et chinois

Les gouvernements russe et chinois sont déconcertants. Avec toutes les cartes de la guerre de sanction en main, ils restent là sans la moindre idée quant à la façon de les jouer.
Les Russes ne recevront aucune aide des médias occidentaux, ce qui obscurcit le problème en faisant ressortir que le gouvernement russe ne veut pas priver ses citoyens de biens de consommation occidentaux, ce pourquoi sont précisément faites les sanctions de Washington.
Les gouvernements russe et chinois sont entre les mains de Washington parce que, pensant que le capitalisme a gagné, la Russie et la Chine ont rapidement adopté l’économie néolibérale étasunienne, qui est un stratagème de propagande au service des seuls intérêts étasuniens.
Depuis des années, la NASA est incapable de se passer des moteurs de fusées russes. Malgré toutes les sanctions, les insultes et les provocations militaires, le gouvernement russe livre toujours des moteurs à la NASA. Pourquoi ? Parce que les économistes russes disent au gouvernement que les monnaies étrangères sont essentielles au développement de la Russie.
L’Europe dépend de l’énergie russe pour faire tourner ses usines et pour rester au chaud en hiver. Mais la Russie ne coupe pas l’énergie en réponse à la participation de l’Europe aux sanctions de Washington, car les économistes russes disent au gouvernement que les monnaies étrangères sont essentielles au développement de la Russie.
Comme Michael Hudson et moi l’avons expliqué à plusieurs reprises, c’est une ineptie. Le développement de la Russie ne dépend nullement de l’acquisition de monnaies étrangères.
Les Russes sont aussi convaincus de la nécessité d’avoir des investissements étrangers. Cela ne sert qu’à drainer les profits de leur économie.
Convaincus aussi de devoir laisser échanger librement leur monnaie, les Russes mettent ainsi le rouble à la merci des manipulations sur les marchés des changes. Si Washington veut déclencher une crise monétaire en Russie, tout ce que doivent faire la Réserve fédérale et ses banques centrales vassales, japonaise, européenne et britannique, c’est de faire se déprécier [to short = court-circuiter ?] le rouble. Les fonds spéculatifs et les spéculateurs participent aux bénéfices.
L’économie néolibérale est un canular, et les Russes se sont laissés avoir.
De même les Chinois.
Supposez qu’au moment où toutes ces accusations contre la Russie ont commencé – prenez par exemple la douteuse attaque contre les Skripal –, Poutine se soit rebiffé et ait déclaré : « Le gouvernement britannique est en train de mentir et tous les gouvernements, y compris celui de Washington, font écho à ce mensonge. La Russie considère que ce mensonge est très provocateur et qu’il fait partie d’une campagne de propagande visant à préparer les Occidentaux à quelque attaque militaire contre la Russie. Le flux constant de mensonges gratuits et de manœuvres militaires à nos frontières a convaincu la Russie que l’Occident a l’intention de faire la guerre. Il en résultera la destruction totale des États-Unis et de ses États marionnettes. »
Cela aurait mis fin aux provocations gratuites, aux manœuvres militaires et aux sanctions.
Au lieu de cela, nous entendons parler de « malentendus » avec nos « partenaires étasuniens ». Ainsi sont encouragés de nouveaux mensonges et d’autres provocations.
Ou, pour répondre plus modérément, Poutine aurait pu annoncer : « Comme Washington et ses serviles marionnettes européennes nous ont sanctionnés, nous coupons les moteurs de fusée à la NASA, toute l’énergie à l’Europe, le titane [*] aux compagnies aériennes étasuniennes, nous interdisons le survol d’avions cargo et de passagers étasuniens, et nous mettons en place des mesures punitives contre toutes les entreprises étasuniennes présentes en Russie. » [* NdT : Les Russes maîtrisant seuls la métallurgie du titane, ils fabriquent des pièces d’avions spéciales en titane pour la compagnie Boeing. Devant toutes ces incohérences, la logique impose de se demander si l’opposition entre Russie et États-Unis n’est pas un jeu de rôle.]
L’une des raisons pour laquelle la Russie ne fait pas cela, en plus de la croyance erronée en son besoin d’argent et de bonne volonté des Occidentaux, c’est peut-être que la Russie s’imagine à tort que Washington va lui voler son marché de l’énergie en Europe et y expédier son gaz naturel [liquéfié]. Aucune infrastructure de ce type n’existant, il faudrait plusieurs années pour les développer. D’ici là, l’Europe connaîtrait du chômage de masse et gèlerait pendant plusieurs hivers.
Et la Chine ? La Chine héberge un grand nombre de grandes compagnies étasuniennes, dont Apple, la plus grande société capitalisée du monde. La Chine pourrait tout simplement nationaliser sans compensation toutes les multinationales opérant en Chine, comme cela se fait en Afrique du Sud avec les fermiers blancs, sans que l’Occident ne proteste. Les multinationales submergeraient Washington de demandes de levée de toutes les sanctions contre la Chine et asserviraient complètement Washington au gouvernement chinois.
Ou, en plus, la Chine pourrait se débarrasser de la totalité de ses 1200 milliards de dollars en bons du Trésor étasunien. La Réserve fédérale imprimerait rapidement de l’argent pour les racheter afin que leur prix ne s’effondre pas. La Chine pourrait alors se débarrasser des dollars que la Fed a imprimés pour lui racheter les obligations. La Fed ne peut pas imprimer des monnaies étrangères pour racheter les dollars. Le dollar s’effondrerait et ne vaudrait pas un bolivar vénézuélien, sauf si Washington pouvait ordonner à ses banques centrales étrangères, japonaise, britannique et européenne, d’imprimer de l’argent dans leurs propres devises pour racheter les dollars. Cela, même si c’était respecté, engendrerait beaucoup de tension dans ce qui est appelé « l’alliance occidentale », qui est en réalité l’empire de Washington.
Pourquoi les Russes et les Chinois n’abattent-ils pas leurs cartes gagnantes ? Parce que ni l’un ni l’autre gouvernement n’ont de conseillers non endoctrinés par le néolibéralisme. Ce lavage de cerveau, mis en œuvre par les Étasuniens pendant les années Eltsine en Russie, y a été institutionnalisé. Piégée par ce conditionnement, la Russie est une cible facile pour Washington.
La Turquie est une opportunité parfaite pour la Russie et la Chine de faire un grand bond en avant en la sortant de l’OTAN. Les deux pays pourraient proposer à la Turquie d’adhérer aux BRICS, aux accords commerciaux et aux traités de sécurité communs. La Chine pourrait facilement racheter la monnaie turque sur les marchés des changes. La même chose pourrait être faite pour l’Iran. Mais ni la Russie ni la Chine ne semblent capables d’actions décisives.
Les deux pays, tous deux attaqués comme l’est la Turquie par Washington, restent là à sucer leur pouce ».
Paul Craig Roberts, le 12 août 2018
Traduction Petrus Lombard

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