L'administration Trump entend mettre en place
dès jeudi 23 août une nouvelle vague de taxes sur les importations de produits
chinois. Pour une écrasante majorité d'économistes du secteur privé aux États-Unis,
cette politique commerciale agressive aura des
conséquences "défavorables" pour l'économie du pays.
L'administration
Trump entend mettre en place dès jeudi 23 des taxes douanières de 25% sur une
deuxième tranche de 16 milliards de dollars de produits chinois après avoir
déjà taxé début juillet pour 34 milliards de dollars d'importations venant de Chine. Pékin entend
infliger des représailles.
Une
écrasante majorité d'économistes du secteur privé aux États-Unis estiment que
l'actuelle politique commerciale qui fait grimper les tarifs douaniers a des
conséquences défavorables pour l'économie américaine, selon une enquête réalisée
par la National Association for Business Economics (NABE) et publiée lundi 20
août.
"Plus
de 90% des personnes interrogées considèrent que les tarifs actuels et les
menaces de nouveaux tarifs ont un impact défavorable pour l'économie
américaine", a indiqué le vice-président de la NABE Kevin Swift. Ils
craignent aussi des dommages pour l'économie si les États-Unis devaient sortir
du pacte de libre-échange Aléna, qui est actuellement en renégociation avec le
Canada et le Mexique.
La Chine se prépare à une guerre commerciale depuis plus d’une décennie
En termes de préparation à une guerre commerciale avec les
États-Unis, la Chine a mis en œuvre plusieurs mesures importantes. Par exemple,
pendant au moins les dix dernières années, le pays a délaissé une économie
purement exportatrice et réduit sa dépendance aux ventes de biens aux
États-Unis. En 2018, les achats chinois de biens de consommation chinois devraient
surpasser ceux des consommateurs américains. Au cours des cinq dernières
années, la consommation intérieure en Chine a représenté entre
55% et 65% de la croissance économique, et la consommation privée a été le
principal moteur de l’économie chinoise – PAS les exportations.
L’argument selon lequel la Chine est en quelque sorte dépendante
des marchés et des consommateurs américains pour maintenir son économie en vie
n’est qu’un mensonge. La Chine attire maintenant un marché au détail aussi attrayant
que celui des États-Unis, et son marché intérieur pourrait prendre le relais au
cas où les marchés américains seraient soudainement fermés aux exportations
chinoises.
La Chine n’a plus besoin de
détenir des dollars ou des actifs libellés en dollars
afin de maintenir sa devise plus faible pour les marchés d’exportation.
Enfin, la Chine s’est clairement préparée à une crise considérable
du dollar ou de la stabilité économique mondiale, comme en témoigne son stockage soudain et agressif
de réserves d’or au cours de la dernière décennie. Seulement
récemment surpassée par la Russie dans les achats, la Chine est l’un des acheteurs nationaux d’or les plus agressifs. Un stock d’or
en expansion constituerait une couverture efficace contre l’effondrement du
marché du dollar. Si le dollar perd son statut de réserve mondiale, des pays
comme la Chine et la Russie sont bien placés pour en atténuer les dommages.
Compte tenu du fait que le FMI détient officiellement environ 3.000 tonnes
d’or, les globalistes sont également bien placés en cas de crash du dollar.
La Russie
offre à la Chine 1 million d’hectares de terres agricoles
La Chine et la Russie ont récemment annoncé un nouvel âge de diplomatie
entre les deux pays, à un moment où le président Trump les cible toutes les
deux avec une guerre économique guidée avec précision.
Plus tôt cette semaine, la Russie a offert
de renflouer la Chine contre la guerre commerciale avec Washington. En effet, Moscou
a offert 1 million d'hectares (2,5 millions d'acres) de terres arables aux
agriculteurs chinois pour répondre à la demande à grande échelle de soja - et,
bien sûr, prévenir une pénurie de soja qui entraînerait des
bouleversements politiques et sociaux à travers le pays.
Peut-être que la guerre commerciale américaine contre la Chine devrait être
interprétée comme un élément d'un échiquier beaucoup plus vaste: une
guerre contre l'intégration de l'Eurasie ou l'initiative One Belt, One Road
(OBOR).
Valery Dubrovskiy, directeur de
l’investissement pour l’Agence des investissements et des exportations en
Extrême-Orient, une organisation à but non lucratif, a déclaré mardi que la
Chine, la Russie et d’autres pays voisins avaient déjà manifesté un grand
intérêt pour les terres agricoles. "Nous
prévoyons que la plupart des investissements proviendront de la Chine",
a-t-il déclaré. "Nous
attendons 50% de la Chine, 25% de la Russie et 25% des autres pays, comme le
Japon et la Corée".
Dubrovskiy a déclaré que les trois millions d'hectares de terres
agricoles du district fédéral d'Extrême-Orient de la Russie étaient désormais
disponibles pour les agriculteurs, ajoutant que la région pourrait devenir une
zone de production laitière ou de culture de soja, de blé et de pommes de
terre.
Par inadvertance, la guerre commerciale de Trump avec la Chine
pourrait changer la donne pour Moscou, qui s'attend à ce que les
investissements étrangers inondent la région.
Les experts américains du commerce et de l'agriculture ont averti
que les tarifs imposés par le président Trump sur les produits chinois
pourraient porter un coup dévastateur à l'Amérique rurale.
Pékin a déjà considérablement réduit ses achats de soja aux États-Unis
et en a acheté un nombre record de 850.000 tonnes de Russie entre juillet 2017
et fin mai 2018, selon les chiffres de l’agence agricole russe
Rosselkhoznadzor. Mais
cela ne représente qu'une fraction des 800 millions de tonnes de soja que la
Chine a importées jusqu'à présent cette année, selon les derniers chiffres de
son agence des douanes.
C’est pourquoi la Chine s’est maintenant lancée en Russie, en tant
que couverture à long terme contre le chantage des États-Unis. Ce
changement sera probablement un coup dévastateur pour l’Amérique rurale, alors
que les marchés d’exportation occidentale vers la Chine, vieux de plusieurs
décennies, sont en train d’échapper aux produits occidentaux.
La guerre des métaux rares
La Chine est aujourd'hui le premier producteur d'un
nombre important de ces métaux. Pékin produit 84% du tungstène consommé dans le
monde, 67% du germanium, 85% du gallium, 87% du magnésium et jusque 95% de
certaines terres rares. Cette mainmise procède d'une stratégie agencée dès les
années 1980, la Chine ayant inondé de reste du monde de métaux à bas prix afin
de tuer toute concurrence. Et de fait, Pékin est désormais une sorte d'
« Arabie saoudite des métaux rares ».
Ce leadership est de moins en moins limité à l'amont
industriel et tend à se déporter sur l'aval de la chaîne de valeur. Séduits –
ou contraints – par la disponibilité des ressources en Chine, les industriels
occidentaux ont accéléré ces dernières décennies les délocalisations de leurs
outils de production. Souvent, ce fut l'occasion de transferts de technologies
et de brevets, ce qui explique pourquoi la Chine a aujourd'hui accaparé
l'ensemble de certaines filières utilisatrices de métaux rares dans les
secteurs des nouvelles technologies de l'énergie et du numérique.
Exemple. les voitures
électriques.
La Chine produit des terres rares et du graphite, composants essentiels des batteries. Elle produit peu de cobalt, produit à plus 60% par la République démocratique du Congo (RDC), mais qu'importe : en mars, Glencore, premier producteur mondial de cobalt, annonçait céder le tiers de sa production sur les trois années à venir au groupe chinois GEM, spécialisé dans le recyclage des batteries. De fait, 80% du cobalt produit en RDC est aujourd'hui exporté vers la Chine. Le PDG de Glencore, Ivan Glasenberg, a commenté un tel contrat d'approvisionnement et expliqué que si la Chine parvenait à s’approprier le cobalt, elle produirait demain les batteries, et, in fine, les voitures elles-mêmes.
La Chine produit des terres rares et du graphite, composants essentiels des batteries. Elle produit peu de cobalt, produit à plus 60% par la République démocratique du Congo (RDC), mais qu'importe : en mars, Glencore, premier producteur mondial de cobalt, annonçait céder le tiers de sa production sur les trois années à venir au groupe chinois GEM, spécialisé dans le recyclage des batteries. De fait, 80% du cobalt produit en RDC est aujourd'hui exporté vers la Chine. Le PDG de Glencore, Ivan Glasenberg, a commenté un tel contrat d'approvisionnement et expliqué que si la Chine parvenait à s’approprier le cobalt, elle produirait demain les batteries, et, in fine, les voitures elles-mêmes.
VOIR AUSSI
Hannibal GENSERIC
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Point de vue : L’impuissance volontaire des gouvernements russe et chinois
Les gouvernements russe et chinois sont déconcertants.
Avec toutes les cartes de la guerre de sanction en main, ils restent là sans la
moindre idée quant à la façon de les jouer.
Les Russes ne recevront aucune aide des médias
occidentaux, ce qui obscurcit le problème en faisant ressortir que le gouvernement
russe ne veut pas priver ses citoyens de biens de consommation occidentaux, ce
pourquoi sont précisément faites les sanctions de Washington.
Les
gouvernements russe et chinois sont entre les mains de Washington parce que, pensant que le capitalisme a gagné, la
Russie et la Chine ont rapidement adopté l’économie néolibérale étasunienne,
qui est un stratagème de propagande au service des seuls intérêts étasuniens.
Depuis des années, la NASA est incapable de se passer
des moteurs de fusées russes. Malgré toutes les sanctions, les insultes
et les provocations militaires, le gouvernement russe livre toujours des
moteurs à la NASA. Pourquoi ? Parce que les économistes russes disent au
gouvernement que les monnaies étrangères sont essentielles au développement de
la Russie.
L’Europe dépend de l’énergie russe pour faire tourner
ses usines et pour rester au chaud en hiver. Mais la Russie ne coupe pas
l’énergie en réponse à la participation de l’Europe aux sanctions de
Washington, car les économistes russes disent au gouvernement que les monnaies
étrangères sont essentielles au développement de la Russie.
Comme Michael Hudson et moi l’avons expliqué à
plusieurs reprises, c’est une ineptie. Le développement de la Russie ne dépend
nullement de l’acquisition de monnaies étrangères.
Les Russes sont aussi convaincus de la nécessité
d’avoir des investissements étrangers. Cela ne sert qu’à drainer les profits de
leur économie.
Convaincus aussi de devoir laisser échanger librement
leur monnaie, les Russes mettent ainsi le rouble à la merci des manipulations
sur les marchés des changes. Si Washington veut déclencher une crise monétaire
en Russie, tout ce que doivent faire la Réserve fédérale et ses banques
centrales vassales, japonaise, européenne et britannique, c’est de faire se
déprécier [to short = court-circuiter ?] le rouble. Les fonds spéculatifs
et les spéculateurs participent aux bénéfices.
L’économie néolibérale est un canular, et les Russes
se sont laissés avoir.
De même les Chinois.
Supposez qu’au moment où toutes ces accusations contre
la Russie ont commencé – prenez par exemple la douteuse attaque contre les
Skripal –, Poutine se soit rebiffé et ait déclaré : « Le gouvernement
britannique est en train de mentir et tous les gouvernements, y compris celui
de Washington, font écho à ce mensonge. La Russie considère que ce mensonge est
très provocateur et qu’il fait partie d’une campagne de propagande visant à
préparer les Occidentaux à quelque attaque militaire contre la Russie. Le flux
constant de mensonges gratuits et de manœuvres militaires à nos frontières a
convaincu la Russie que l’Occident a l’intention de faire la guerre. Il en
résultera la destruction totale des États-Unis et de ses États
marionnettes. »
Cela aurait mis fin aux provocations gratuites, aux
manœuvres militaires et aux sanctions.
Au lieu de cela, nous entendons parler de
« malentendus » avec nos « partenaires étasuniens ». Ainsi
sont encouragés de nouveaux mensonges et d’autres provocations.
Ou, pour répondre plus modérément, Poutine aurait pu
annoncer : « Comme Washington et ses serviles marionnettes
européennes nous ont sanctionnés, nous coupons les moteurs de fusée à la NASA,
toute l’énergie à l’Europe, le titane [*] aux compagnies aériennes
étasuniennes, nous interdisons le survol d’avions cargo et de passagers
étasuniens, et nous mettons en place des mesures punitives contre toutes les
entreprises étasuniennes présentes en Russie. » [* NdT : Les Russes
maîtrisant seuls la métallurgie du titane, ils fabriquent des pièces d’avions
spéciales en titane pour la compagnie Boeing. Devant toutes ces incohérences, la logique impose de
se demander si l’opposition entre Russie et États-Unis n’est pas un jeu de
rôle.]
L’une des raisons pour laquelle la Russie ne fait pas
cela, en plus de la croyance erronée en son besoin d’argent et de bonne volonté
des Occidentaux, c’est peut-être que la Russie s’imagine à tort que Washington
va lui voler son marché de l’énergie en Europe et y expédier son gaz naturel
[liquéfié]. Aucune infrastructure de ce type n’existant, il faudrait plusieurs
années pour les développer. D’ici là, l’Europe connaîtrait du chômage de masse
et gèlerait pendant plusieurs hivers.
Et la Chine ? La Chine héberge un grand nombre de
grandes compagnies étasuniennes, dont Apple, la plus grande société capitalisée
du monde. La Chine pourrait tout simplement nationaliser sans compensation
toutes les multinationales opérant en Chine, comme cela se fait en Afrique du
Sud avec les fermiers blancs, sans que l’Occident ne proteste. Les multinationales
submergeraient Washington de demandes de levée de toutes les sanctions contre
la Chine et asserviraient complètement Washington au gouvernement chinois.
Ou, en plus, la Chine pourrait se débarrasser de la
totalité de ses 1200
milliards de dollars en bons du Trésor étasunien. La Réserve fédérale
imprimerait rapidement de l’argent pour les racheter afin que leur prix ne
s’effondre pas. La Chine pourrait alors se débarrasser des dollars que la Fed a
imprimés pour lui racheter les obligations. La Fed ne peut pas imprimer des
monnaies étrangères pour racheter les dollars. Le dollar s’effondrerait et ne
vaudrait pas un bolivar vénézuélien, sauf si Washington pouvait ordonner à ses
banques centrales étrangères, japonaise, britannique et européenne, d’imprimer
de l’argent dans leurs propres devises pour racheter les dollars. Cela, même si
c’était respecté, engendrerait beaucoup de tension dans ce qui est appelé
« l’alliance occidentale », qui est en réalité l’empire de
Washington.
Pourquoi les Russes et les Chinois n’abattent-ils pas
leurs cartes gagnantes ? Parce que ni l’un ni l’autre gouvernement n’ont de conseillers non
endoctrinés par le néolibéralisme. Ce lavage de cerveau, mis en œuvre
par les Étasuniens pendant les années Eltsine en Russie, y a été institutionnalisé.
Piégée par ce conditionnement, la Russie est une cible facile pour Washington.
La Turquie est une opportunité
parfaite pour la Russie et la
Chine de faire un grand bond en avant en la sortant de l’OTAN. Les deux pays
pourraient proposer à la Turquie d’adhérer aux BRICS, aux accords commerciaux
et aux traités de sécurité communs. La Chine pourrait facilement racheter la
monnaie turque sur les marchés des changes. La même chose pourrait être faite
pour l’Iran. Mais ni la
Russie ni la Chine ne semblent capables d’actions décisives.
Les deux pays, tous deux attaqués comme
l’est la Turquie par Washington, restent là à sucer leur pouce ».
Paul
Craig Roberts, le 12 août 2018
Traduction Petrus Lombard
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