Hommage à Chrystia Freeland, la bien
nommée native de Rivière-la-Paix. Elle est ministre des Affaires étrangère du Canada,
terre d’asile de ceux qui fuient la barbarie. Son nom sera à jamais associé à
celui de Badawi. Badawi, le Gandhi de l’Arabie. En langue arabe, ce patronyme
se décline et se conjugue désormais à tous les temps ; c’est un mot nouveau qui
exprime à la fois le courage, la justice et la liberté.
Chacun
connait l’histoire de ce paisible bloggueur saoudien emprisonné et fouetté en
place publique. Son épouse Ensaf, réfugiée avec ses trois enfants à Montréal,
se bat inlassablement pour la libération de Raif et de ses proches
inlassablement persécutée : frères, sœurs, cousins, copains… Les pays
signataires de la déclaration des droits de l’Homme sont indifférents à
l’exception de la Suède, l’Allemagne, la Suisse et le Canada.
Indignée par
les nouvelles arrestations de Badawi, l’Honorable dame Freeland a publiquement
appelé le Royaume d’Arabie à libérer les emprisonnés de Riyad. Alors, répondant
à l’audace de cette « intolérable ingérence », le roi et le petit prince ont
donné 24 heures à l’ambassadeur du Canada pour faire ses valises. Puis, pour
faire bonne mesure, ils ont gelé toutes les transactions commerciales et
financières avec Ottawa, rappelé les quelques 7 000 étudiants boursiers et
leurs familles, suspendu les relations aériennes, convoqué tous les pays arabes
à se solidariser et déclenché une campagne médiatique en faveur … du Québec
libre ! Et comme dame Freeland refusait d’aller baiser les babouches de
l’offensé, le roi a ordonné à ses sujets malades d’aller se faire soigner hors
du Canada et il a déclenché un mini crash à la bourse de Toronto en bradant
massivement quelques millions de titres.
L'Humanité à la Religion : je croyais que vous étiez née pour m'aider ! |
Malgré la
canicule, ces gesticulations ont été accueillies avec sang-froid. Hors la
réaction bien sentie de quelques chroniqueurs de la presse canadienne, la
nouvelle a été reléguée en quatrième de couverture alors qu’elle faisait la une
des journaux en Arabie. À Ottawa, un porte-parole a sobrement réagi en quelques
mots : « Canada will continue to advocate for human rights and for the brave
women and men who push for these fundamental rights around the world ». Et
d’entonner in petto in french l’hymne national : ô Canada toujours guidé par sa
lumière, gardera l’honneur de son drapeau !
Les échanges
commerciaux entre les deux pays sont modestes, à peine quelques petits
milliards. Le pays des caribous n’a pas besoin du pétrole et du gaz arabe alors
que les saoudiens raffolent du sirop d’érable et fréquentent massivement les
universités et les cliniques canadiennes. L’affaire est donc en apparence
dérisoire d’autant que l’ire de Riyad ne concerne pas la livraison à l’armée
saoudienne de 900 blindés au prix de 14 milliards de dollars destinés à
massacrer les yéménites. Le fabuleux contrat paraît nullement menacé car les
industries d’armements canadiennes sont pour la plupart des filiales de groupes
US. Au pire, le marché sera repris par la maison mère et sous traité de l’autre
coté de la frontière.
Fort de son
expérience de fâcherie avec le Qatar qui a pourtant tourné au fiasco, Riyad a
également intimé à tous ses pays vassaux d’adopter la même posture indignée.
Alors, le « Parlement
arabe » ; instance provisoire depuis 2001 où siègent 67 parlementaires
fantômes désignés par 22 dictatures et deux démocraties en devenir, a
immédiatement rugi…dans l’indifférence générale.
Le message
de menace « urbi et orbi » du monarque wahhabite n’a pas d’avantage
perturbé les vacances des grands qui ont repoussé à la rentrée l’examen de
cette délicate guéguerre entre caribous et camélidés. Il est urgent d’attendre.
À Washington on joue au golf, à Brégançon on fait la planche, à Bruxelles on
s’informe, à Moscou, une porte parole a sentencieusement déclaré « l’instrumentalisation
politique des droits humains est inacceptable ».
Au-delà de ce qui
pourrait apparaître comme une crise diplomatique sans conséquences provoquée
par un roi sénile et son
héritier juvénile, l’affaire Badawi ô Canada suscite une autre
interprétation. En Arabie sous protectorat des États Unis, nul ne peut imaginer
que les Salman père et fils (respectivement, monarque, héritier et ambassadeur
à Washington), n’aient pas avisé Donald Trump ou son conseiller Jared
Kushner (dont la
famille du crime contrôle la Maison Blanche), de leur projet
d’expulser l’ambassadeur du Canada. Ce feu vert extravagant de la Maison
Blanche prolonge au delà du cercle restreint du G7 les conséquences du fiasco
de la réunion d’Ottawa en juin dernier et fracture à un moindre coût le puzzle
de la diplomatie multilatérale.
On
vous achète au prix fort l’impunité de torturer nos sujets et de massacrer nos
voisins, alors taisez-vous ! Quelle sera la réplique du monde des libertés à
l’arrogance de Salman ? Viendra-t-elle de Londres comme en quarante ? Theresa
May n’est pas Churchill. Pourtant, nul doute que la Reine Élisabeth, le Prince
Philip et leurs 2,3 milliards de sujets dans les 53 pays solidaires du Commonwealth
sont extremely shoked par ce chantage insensé.
Badawi n’est
pas seulement l’icône de la résistance à la barbarie en Arabie, il est le
marqueur de la ligne de démarcation entre les états respectueux des droits
humains et les voyoucraties.
Être ou ne
pas être Badawi telle est la question du moment !
Bis
repetita
Cette
affaire est le rebondissement de celle de 2015 publiée sous le titre « L’horreur
d’Arabie, l’honneur de la Suède »
Rahif Badawi
31 ans, blogueur. Pour avoir clamé la vérité, il a été condamné à dix ans de
prison et 1000 coups de fouet. Walid Abu Al-Khair, son avocat a été condamné à
quinze ans mais dispensé de flagellation.
Le 16
janvier 2015, Rahif Badawi recevait le fouet en place publique. Les images
faisaient le tour de la terre. Dix jours plus tard, le nouveau roi Salman était
intronisé. On s’attendait à un geste de clémence, il n’en fut rien. Sourd aux
appels du couple Obama, de Merkel et même du Prince Charles, Riyadh laissa
entendre qu’un nouveau procès pour apostasie aurait lieu afin de décapiter
proprement les deux empêcheurs de penser en rond. A Berlin, on a hoqueté. Le
vice-chancelier dépêché à Riyad a signifié le gel d’un contrat d’armement.
A Stockholm,
où l’un des condamnés avait été distingué en 2012 du prestigieux Prix Olof
Palme, on a manifesté. La ministre des Affaires Étrangère Madame Margot
Wallström a décidé de faire part de la mauvaise humeur de son pays lors d’un
sommet de la Ligue Arabe où elle était invitée. Mais au dernier moment, elle a
été empêchée de prononcer son discours par les manœuvres en coulisse des
Saoudiens. Alors elle s’est fâchée tout rouge : rupture de la coopération
militaire avec l’Arabie ! Le geste n’est pas symbolique car la Suède, ce n’est
pas seulement Nokia et Ikea, c’est aussi Ericsson, Volvo et surtout Saab, un
groupe de 13 mille ouvriers qui fabrique des sous marins, de l’artillerie, des
drones et des avions de chasse. La Suède c’est la 22ème puissance économique
mondiale, et sa ministre des Affaires étrangères n’est pas une godiche de
l’année! Âgée de 60 ans, Margot Wallström a été Commissaire Européen, Vice-présidente
de la Commission Européenne, Représentante Spéciale du Secrétaire Générale de
l’ONU… Sur la scène diplomatique mondiale, c’est une actrice de premier plan.
Elle vient de donner une magistrale leçon de morale, inédite dans l’histoire
des relations internationales.
Mais pour les Saoud, elle n’est qu’une femelle
dévoilée. L’affront
était trop grand, le roi Salman et sa cour sont entrés en rage. Rappel de
l’ambassadeur, injonction aux pays vassaux de faire de même. Campagne de
presse, appel au boycott, suspension et annulation des visas de voyages…
Parallèlement, les Saoudiens ont demandé aux pays Européens « amis » de se
démarquer.
Pour aider
le site Proche & Moyen-Orient c’est ici
Source : Proche et Moyen-Orient, Hedy Belhassine, 13-08-2018
VOIR AUSSI :
Nom de code Acor Sycamore - Le plan saoudien-américain-al-Qaïda pour envahir le Canada
L’alliance USA/Israël/Arabie est la preuve que le nazisme a triomphé
Je ne suis pas Canadien.
RépondreSupprimerJe ne suis pas du "fameux" royaume mais je suis un Musulman qui rejette carrément tout ce qu'entreprend l'Arabie ( qui n'a rien d'Arabe) aussi bien intra-muros qu'à l'extérieur c'est-à-dire : Yémen , Syrie, et Palestine usurpée .
Le Wahabisme , déviation pure et simple de la Sainte religion que richissime royaume prétend défendre, est rejeté dans le fond et la forme par tout fidèle à l'Islam que nous ont légué nos parents.
Par contre, je suis en admiration devant tout ce qu'entreprend le pays de l'érable et je salue le Canada ; peuple et gouvernement pour sa politique intérieure mais…pas tout à fait du point de vue relations avec l'indu-occupant de la Palestine.
Voilà ce que je tenais à dire et je salue tous les lecteurs