Les
Européens soupçonnent les États-Unis de chercher à neutraliser l'exploitation
des énormes réserves de gaz iraniennes, grâce aux sanctions sur le nucléaire,
afin d'ouvrir des débouchés à leur propre production, en plein essor avec le
gaz de schiste.
"Les
sanctions américaines vont toucher les exportations de pétrole et de gaz
iranien vers l'Europe", relève un responsable européen impliqué dans
le dossier.
"Il
s'agit clairement d'une nouvelle tentative de limiter une source
d'approvisionnement différente afin que le gaz naturel liquéfié (GNL) américain
puisse atteindre l'Europe plus facilement, sans concurrents",
explique-t-il à l'AFP sous couvert d'anonymat.
"Je
ne crois pas que ce soit le but principal des sanctions contre l'Iran, mais
c'est un effet induit", nuance Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du
centre Énergie de l'Institut français des relations internationales (IFRI).
"Il
est clair que les investissements prévus ne vont pas avoir lieu. Je ne connais
pas de grande société internationale qui va s'y risquer", a-t-il
pronostiqué dans un entretien téléphonique avec l'AFP.
Au
grand dam des Européens, Washington a annoncé réimposer les sanctions levées
dans le cadre de l'accord multilatéral conclu en 2015 en échange de
l'engagement de Téhéran à geler son programme nucléaire.
Les
États-Unis menacent Téhéran des sanctions "les plus fortes de l'Histoire"
si les Iraniens refusent leurs conditions pour conclure un "nouvel
accord" englobant leur programme de missiles balistiques.
Les
entreprises européennes qui continueront de faire affaire en Iran dans des
secteurs interdits par ces sanctions "seront tenues responsables", a
averti le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo.
Réserves faramineuses
L'annonce
du possible désengagement d'Iran du géant pétrolier Total et de plusieurs
autres entreprises européennes ont été au cœur des récents entretiens à Téhéran
du commissaire européen à l'Énergie Miguel Arias Canete.
"Les
Iraniens doutent de la capacité des Européens à ne pas plier face aux dictats
américains", a confié à l'AFP M. Canete au terme d'une série de
rencontres avec le vice-président iranien Ali Saheli, le chef de la
diplomatie Mohammad Javad Zarif et les ministres du Pétrole et de l'Énergie.
Les
États-Unis sont engagés dans une stratégie de conquête de marchés pour leur gaz
naturel. Ils ont exporté 17,2 milliards de mètres cubes (m3) en 2017, dont 2,2%
par méthaniers vers les terminaux de l'Union européenne. Or "la
capacité totale d'importation de gaz naturel de l'Europe va augmenter de 20%
d'ici à 2020", selon le centre d'études IHS Markit.
Chaque
année, les pays de l'UE importent deux tiers (66%) de leurs besoins de
consommation. En 2017, ceci a représenté 360 milliards de m3 de gaz, dont 55
milliards de m3 de GNL, pour une facture de 75 milliards d'euros, selon les
statistiques européennes.
A
ce jour, la moitié du gaz acheté est russe, mais les Européens cherchent à
briser cette dépendance.
"Les
réserves iraniennes sont faramineuses et si l'Iran développe les installations
adéquates, elles peuvent permettre à ce pays de devenir un important pourvoyeur
(...) pour l'Europe", plaide M. Canete.
Téhéran
possède les plus importantes réserves gazières au monde après la Russie, avec
notamment le gisement off-shore de Pars Sud. Elles sont estimées à 191
trillions de m3. Le pays a exporté 10 milliards de m3 en 2017 par gazoduc vers la
Turquie et l'Irak. Mais la solution pour l'avenir sera le GNL, transporté par
méthaniers, soulignent les responsables européens.
Le
ministre du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, a chiffré les besoins en
investissements à quelque 200 milliards de dollars sur cinq ans. Le secteur de
l'énergie a fourni 50 milliards de dollars de recettes à l'Etat en 2017, selon
les données européennes.
La Russie ciblée
L'UE
n'est pas la seule dans le collimateur de Washington.
"Un
autre concurrent visé est la Russie avec son projet phare Nord Stream
2", observe le responsable européen.
Nord
Stream 2 vise à doubler d'ici fin 2019 les capacités de son grand frère Nord
Stream 1, et permettre à davantage de gaz russe d'arriver directement en
Allemagne via la mer Baltique, donc sans passer par l'Ukraine.
Le
président Donald Trump exige son abandon. Il en a d'ailleurs fait un
argument pour exonérer les Européens des taxes sur l'acier et l'aluminium,
selon des sources européennes proches du dossier.
La
chancelière allemande Angela Merkel défend vivement ce projet de gazoduc
stratégique.
"Pour
le moment, le GNL américain est plus cher que le gaz russe. Nous avons un libre
marché. Le GNL doit être compétitif", estime-t-on de source
gouvernementale allemande.
Mais
"Nord Stream 2 n'aide pas à la diversification énergétique cherchée par
l'Europe", reconnaît de son côté le commissaire Canete.
"L'Europe
veut développer une stratégie de gaz liquéfié afin d'assurer sa sécurité
énergétique, et l'Iran est une source d'approvisionnement importante",
insiste-t-il à l'adresse des États-Unis.
Les réserves de gaz de la Russie la placent en tête de la liste des puissances gazières. Dans ce classement, elle devance l'Iran et le Qatar.
Les réserves de
gaz de la Russie sont les plus importantes du monde.
Selon innov.ru, elles sont estimées à presque 50 trillions de m3.
Selon innov.ru, elles sont estimées à presque 50 trillions de m3.
Les réserves de gaz de la Russie la placent en tête de la liste des puissances gazières. Dans ce classement, elle devance l'Iran et le Qatar.
Le sous-sol de la Russie renferme,
selon les dernières estimations, 50,4 trillions de mètres cubes de gaz. L'Iran
dispose de 33,7 trillions de mètres cubes de réserve de gaz; le Qatar, de 24,7
trillions de mètres cubes.
Le Turkménistan et les États-Unis
comptent parmi les cinq leaders. Viennent ensuite l'Arabie Saoudite, l'Irak, le
Venezuela, le Nigéria et l'Algérie qui complètent la liste des 10 plus grands
puissances gazières de la planète.
Sources : AFP , Sputnik
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