mardi 8 mai 2018

Liban: après les législatives, les armes du Hezbollah à l’abri


Le mouvement chiite libanais Hezbollah, allié de l’Iran et bête noire d’Israël et Washington, sorti politiquement renforcé des législatives de dimanche, semble désormais en capacité de s’offrir une quasi-immunité pour son arsenal militaire controversé, selon des experts.

Les résultats de ces premières législatives en près d’une décennie pourraient dessiner une « majorité écrasante » pour le plus grand bénéfice du parti chiite, militairement engagé ces dernières années en Syrie voisine au côté du régime de Bachar al-Assad.
Un constat qui s’impose d’autant plus que le principal rival du Hezbollah, le Premier ministre Saad Hariri, semble être, lui, le grand perdant du scrutin.
La « victoire » du Hezbollah permet au mouvement chiite « d’imposer de meilleurs conditions » dans le cadre du compromis libanais, « de consolider son rôle et son arsenal, pas seulement au Liban, mais dans la région », dit Maha Yahya, directrice du Centre Moyen-Orient de Carnegie.
Classé « groupe terroriste » par les États-Unis, le mouvement parrainé par Téhéran –seule faction à ne pas avoir déposé les armes au Liban après la guerre civile (1975-90)–, a accru au fil des ans son influence régionale.
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Implanté en Irak, accusé de soutenir des rebelles au Yémen, c’est notamment grâce au Hezbollah que le régime d’Assad a multiplié en Syrie les victoires face aux insurgés et aux jihadistes.
« La question des armes du Hezbollah ne reviendra probablement pas au centre du débat politique libanais », tranche aussi le politologue Karim Bitar. « Même les rivaux du Hezbollah, comme Saad Hariri, ont quelque peu intégré le nouveau rapport de force. »
« Droit de veto »
Évoquant les législatives, son chef Hassan Nasrallah a salué lundi « une grande victoire morale et politique pour la Résistance », surnom que le mouvement s’est donné en référence à la lutte contre Israël.
Par le passé, il a assuré que son parti était en possession d’un armement sophistiqué, incluant des missiles capables de frapper au cœur d’Israël.
Et toutes les tentatives visant à affaiblir le groupe ces dernières années ont échoué: qu’il s’agisse des sanctions économiques américaines ou du conflit avec Israël, qui avait mené en 2006 une offensive dévastatrice au Liban sans parvenir à mettre à genoux le Hezbollah.
Pour M. Bitar, même si le parti en lui-même ne disposera que de 13 sièges sur 128, son « réseau d’alliance » lui offre « une majorité au Parlement » et garantit « un droit de veto tacite sur les décisions les plus importantes ».
Dans un pays où les partis traditionnels ont dominé sans surprise le scrutin, les regards se portent sur les 29 députés rattachés au Courant patriotique libre (CPL) du président Michel Aoun, capable de faire basculer la balance.
Le Hezbollah devra maintenir son alliance avec son traditionnel allié, le parti chiite Amal, mais surtout préserver sa proximité avec le CPL.
« Cela dépendra principalement du courant aouniste. S’il confirme son alliance avec le Hezbollah (…), cette coalition aura une majorité écrasante », fait valoir Imad Salamey, professeur de sciences politiques à l’Université libanaise américaine (LAU), à Beyrouth.
Dans un pays où la politique est régie par un délicat équilibre entre communautés, et où les décisions majeures sont prises par consensus entre rivaux, le Hezbollah devra tout de même consentir à quelques concessions.
 « Sécuriser » le gouvernement
Même si le Courant du Futur de M. Hariri ne dispose plus que de 21 sièges contre 33 précédemment, le Premier ministre est quasi-assuré d’être maintenu à son poste.
M. Hariri « jouit de la confiance des pays arabes, mais aussi des Européens et des États-Unis », relève M. Salamey. Sa reconduite « garantit au Liban de préserver un soutien économique » international.
En novembre, son annonce de démission depuis l’Arabie saoudite, son parrain traditionnel, avait suscité une vaste mobilisation populaire et diplomatique, et le chef du gouvernement était finalement resté en fonctions.
Au fil des ans, il a adopté une ligne plus conciliante vis-à-vis du Hezbollah, même s’il lui arrive toujours de critiquer l’implication militaire du mouvement à l’étranger.
Lundi, il a jugé que « la question des armes (du Hezbollah) était un sujet régional », reconnaissant implicitement que la solution n’était pas entre les mains des politiciens du pays.
Alors que les dernières législatives remontaient à 2009, le Parlement libanais va désormais devoir se pencher sur la formation d’un nouveau gouvernement, les partis se lançant dans des consultations interminables pour se partager les portefeuilles.
« Le Hezbollah et ses alliés vont réclamer une représentation plus grande, pronostique M. Salamey. L’essentiel va être de sécuriser des postes au gouvernement qui protègent ses mouvements politiques et militaires. »
« Sur un plan régional, évidemment, et pas seulement au niveau du Liban », précise l’expert.
Source: AFP

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