Au moins
depuis l’époque de Marcus Tullius Cicero à la fin de la République romaine,
tout le monde a certainement compris que les politiciens mentent tout le temps.
Certes, le président Donald Trump a été exceptionnel en ce sens qu’il a tenu
certaines des promesses qu’il avait faites au cours de sa campagne, insistant
périodiquement sur le fait qu’il doit faire ce qu’il avait dit qu’il ferait.
Malheureusement,
les choix qu’il a faits pour assumer ses responsabilités envers ses partisans
ont été épouvantables, y compris le déplacement de l’ambassade des États-Unis
en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, la menace de mettre fin à l’accord nucléaire
iranien et la construction d’un mur le long de la frontière mexicaine. Le suivi
de certaines autres promesses a été moins cohérent. Il a augmenté l’engagement
militaire américain en Afghanistan et a remis la guerre aux généraux tout en
hésitant dans sa promesse d’améliorer les relations avec la Russie.
L’avancée
potentielle offerte par des échanges prometteurs lors d’appels téléphoniques à
Vladimir Poutine a été annulée par des menaces, des sanctions et des expulsions
pour satisfaire les membres hystériques du Congrès et les médias.
En ce qui
concerne la Syrie, Trump a dit mardi dernier « Je veux en partir », promettant de
retirer les troupes américaines très bientôt, mais a été rapidement rappelé à l’ordre par la
pression du Congrès et un appel téléphonique du Premier ministre israélien.[1]
Netanyahou :
Le Congrès doit exécuter ses ordres [2].
Ici s’adressant à une session conjointe, le 24 mai 2011 |
Benjamin Netanyahou qui l’a contraint à changer d’avis
dans les 24 heures. Israël
veut le chaos en Syrie et son instrument de choix est l’armée américaine.
Netanyahou a le Congrès pour faire exécuter ses ordres et, pour une raison ou une
autre, semble aussi avoir Trump sous son joug.
Un
très bon menteur.
Donald Trump
s’avère donc être un très bon menteur, même s’il faut tenir compte du fait qu’il n’a
souvent aucune idée de ce dont il parle. Mais le prix pour avoir menti à un
niveau élevé doit aller aux Britanniques en ce qui concerne ce qui se passe à
la fois au Moyen-Orient, avec la Russie, et aussi en Grande-Bretagne elle-même.
L’ancien
Premier ministre Tony Blair a été le premier maître de la dissimulation
en 2002 lorsque son chef du renseignement Sir Richard Dearlove lui a dit
que la Maison-Blanche de Bush avait décidé de la guerre et que « les
renseignements et les faits confirmaient la politique » concernant l’Irak, ce
qui signifie qu’il ignorait l’information qui n’appuyait pas son désir de créer
un prétexte pour envahir le pays et éliminer Saddam Hussein.
Blair aurait probablement pu faire
capoter cette tragique invasion en refusant de participer à l’entreprise, qui
était un crime de
guerre, mais au lieu de cela, il a pleinement soutenu George W.
Bush dans l’attaque. Il a ainsi été impliqué dans le pire désastre de
politique étrangère de l’histoire de l’Amérique. En 2016, une enquête
officielle du gouvernement britannique a déterminé que Bush et Blair s’étaient
en effet précipités dans la guerre ensemble. La classe dirigeante mondiale a
néanmoins récompensé Tony
Blair pour sa loyauté par une générosité à la Clinton. Il a bénéficié d’un
certain nombre de sinécures bien payées et vaut maintenant plus de 100 millions
de dollars.
Création
d’une crise à l’étranger
Pour en
revenir au présent, nous avons la Première ministre Theresa May. May a
eu de sérieux problèmes, politiquement parlant. Après les pertes subies lors
des récentes élections parlementaires, elle s’accroche au pouvoir et est de
plus en plus impopulaire, même au sein de son propre Parti conservateur. Alors,
que faites-vous lorsque vous avez des problèmes à la maison ? Vous créez une crise
extérieure à laquelle vous devez faire face.
May : Peu de raisons de sourire maintenant |
Si vous êtes
quelqu’un d’aussi vénal que l’ancien président américain et opportuniste Bill
Clinton, vous y parviendrez en tirant quelques missiles de croisière sur une
usine pharmaceutique au Soudan et sur des huttes de boue en Afghanistan. Si
vous êtes May, vous augmentez considérablement la mise, en vous trouvant un
ennemi puissant qui vous menace, ce qui vous permet d’apparaître à la fois résolu
et fort face à un ennemi redoutable. C’est précisément ce que nous avons vu au
cours du mois dernier au sujet de l’empoisonnement présumé de l’ancien agent
double russe Sergei Skripal et de sa fille Ioulia.
Il y a
quelque chose d’étrange dans l’affaire Skripal. Même le Guardian,
journal de plus en plus néoconservateur, a
admis que « le dossier britannique [contre la Russie] s’est jusqu’à
présent davantage appuyé en public sur des preuves circonstancielles et des
renseignements secrets ». Et les renseignements secrets, comme on les appelle, ont trop souvent été
le dernier refuge de la canaille lorsqu’un gouvernement vend de la
poudre de perlimpinpin au public. Dans cette affaire, le ministre des Affaires
étrangères Boris Johnson s’est empressé de porter un jugement sur la
Russie moins de quarante-huit heures après que les Skripal ont été trouvés
inconscients sur un banc à Salisbury, en Angleterre, trop tôt pour qu’une
analyse chimique de l’empoisonnement présumé ait pu avoir lieu.
Et
encore une fois, accuser le Kremlin
May s’est adressée au Parlement peu de
temps après pour accuser le Kremlin et exiger une réponse officielle russe à
l’événement en 36 heures, même si elle a dû tergiverser considérablement, en
disant que l’empoisonnement apparent était « très probablement » causé par un
agent neurotoxique fabriqué en Russie et désigné par son nom générique de
Novitchok. Elle a néanmoins rallié les députés d’arrière-ban au Parlement, qui
ont répondu avec un grand enthousiasme approbateur « Écoutez ! Écoutez !
»
Lorsque le
chef travailliste Jeremy Corbyn a tenté de ralentir le train express en
suggérant qu’il serait sage d’attendre et de voir ce que l’enquête policière a
révélé, il a été hué. Les médias britanniques se sont rapidement mobilisés avec
une ardeur renouvelée, répandant la ligne gouvernementale qu’une opération
aussi délicate nécessiterait l’approbation du président Vladimir Poutine
lui-même. L’expulsion des diplomates russes n’a pas tardé à suivre.
L’un des
aspects les plus étranges de l’affaire Skripal est que la fille Yulia a été
libérée de l’hôpital mardi. Elle a été gardée au secret et est « protégée »
dans un endroit secret par le gouvernement britannique. C’est impossible de
savoir si elle veut retourner à sa vie en Russie et est retenue contre sa
volonté, non pas tant pour la protéger que pour la faire taire.
Corbyn : Essayant de freiner un train fou. |
Sergei n’est plus dans un état critique.
Une cousine Viktoria Skripal a
offert de prendre l’avion depuis Moscou pour apporter son soutien à sa
famille, mais s’est vu refuser un visa britannique. La télévision russe a
diffusé un
enregistrement d’un appel téléphonique entre les deux cousines dans lequel Ioulia
a dit qu’elle était désorientée mais qu’elle s’améliorait et que ni elle ni son
père n’avaient subi de dommages permanents à cause de l’empoisonnement. L’appel
s’est terminé brusquement et Viktoria Skripal pense qu’il a été écrit
par le gouvernement britannique et passé sur une ligne téléphonique contrôlée.
Les demandes
répétées de la Russie pour obtenir un échantillon de l’agent neurotoxique
présumé pour des tests ont été rejetées par le gouvernement britannique en
dépit du fait qu’un agent neurotoxique de qualité militaire aurait sûrement tué
les Skripals ainsi que n’importe qui d’autre dans un rayon de 100 mètres. Comme
le dernier récit britannique de l’emplacement du poison présumé le place sur la
poignée de la porte de la résidence des Skripals, l’élément horaire n’est pas
convaincant non plus. Cela signifie que les deux auraient passé trois heures, y
compris un arrêt à un pub et un déjeuner, avant de succomber sur un banc de
parc. Les agents
neurotoxiques de qualité militaire tuent instantanément et celui-ci est dit 8
fois plus puissant que le VX.
Une demande
pour que les tests soient effectués par l’Organisation pour l’interdiction des
armes chimiques, politiquement neutre, est en cours, mais il y a peu
d’enthousiasme de la part des Britanniques, qui ne veulent pas qu’un
observateur russe participe au processus. Le gouvernement de May a déjà
établi sa propre version des faits et aurait certainement beaucoup à perdre si
toute l’affaire se révélait avoir été fabriquée de toutes pièces. Et si elle a
été fabriquée, c’est peut-être parce que l’agent neurotoxique, s’il existe
réellement, aurait pu être fabriqué presque n’importe où.
Le directeur
de la propre usine d’armes chimiques de la Grande-Bretagne, Porton Down, a
contredit les
affirmations de May, de Johnson et de l’ambassadeur britannique
à Moscou, Laurie Bristow. Le directeur général du laboratoire, Gary Aitkenhead,
a déclaré qu’il ne sait pas si l’agent neurotoxique a été effectivement produit
en Russie, ce qui n’est pas surprenant puisque la formule chimique a été
révélée au public dans un article scientifique en 1992 et qu’il y a une vingtaine de pays capables
de le produire. Il y a également des stocks possibles de Novitchok
restant dans des pays indépendants qui faisaient autrefois partie de l’Union
soviétique, y compris l’ennemi du jour de la Russie, l’Ukraine, alors qu’une
opération sous faux drapeau par les Britanniques eux-mêmes, la CIA ou le
Mossad, n’est pas impensable.
Un
discours gouvernemental orwellien
Le recours à
une langue officielle orwellienne par les Britanniques est remarquable tout au
long du processus, mais la lecture est particulièrement douloureuse en ce qui
concerne le traitement des animaux de compagnie des Skripals, deux cochons
d’Inde et un chat. Un porte-parole du ministère de l’Environnement a
rapporté que « La propriété dans le Wiltshire a été scellée dans le
cadre de l’enquête policière. Lorsqu’un vétérinaire a pu accéder à la
propriété, deux cochons d’Inde étaient malheureusement morts. Un chat a
également été trouvé dans un état de détresse et un vétérinaire a pris la
décision d’euthanasier l’animal pour soulager ses souffrances. Cette décision a
été prise dans le meilleur intérêt de l’animal et de son bien-être ».
Ainsi, la
présence d’escadrons de techniciens et de flics dans la résidence ne permettait
à personne de prendre une minute pour nourrir le chat et les cobayes. Et le
chat a été tué dans un geste purement humanitaire – le « meilleur intérêt »
était apparemment de mourir. Ça a quelque chose, de familier, n’est-ce pas ?
Enfin, le
meilleur argument contre les esquives du gouvernement britannique au sujet de
ce qui s’est passé à Salisbury le 4 mars reste la question du mobile.
Les
Britanniques voudraient faire croire que Poutine a personnellement ordonné
le meurtre d’un ancien agent double britannique qui avait été libéré d’une
prison du Kremlin lors d’un échange d’espion et qui ne pouvait plus causer
de dommages à la Russie. Il l’aurait fait en dépit du fait qu’il y avait
une élection à venir et qu’il accueillerait la Coupe du monde cet été,
événement qu’il voudrait voir se dérouler sans heurts. Il s’est donc
délibérément tiré dans le pied sur ces deux points, prétendument parce qu’il
voulait envoyer un message aux traîtres et aussi parce qu’il ne peut tout simplement
pas s’en empêcher puisqu’il est un type du KGB vindicatif dont les impulsions
sont le mal à l’état pur. Est-ce que cela a un sens pour le lecteur ? Pas pour
moi.
Une version
antérieure de cet article a été publiée sur la Revue Unz.
Philip Giraldi
ancien agent de la CIA, est directeur exécutif du Conseil pour l’intérêt national.
ancien agent de la CIA, est directeur exécutif du Conseil pour l’intérêt national.
Traduit par
les lecteurs du site www.les-crises.fr.
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