dimanche 13 mai 2018

Des menteurs qui mentent sur presque tout


Au moins depuis l’époque de Marcus Tullius Cicero à la fin de la République romaine, tout le monde a certainement compris que les politiciens mentent tout le temps. Certes, le président Donald Trump a été exceptionnel en ce sens qu’il a tenu certaines des promesses qu’il avait faites au cours de sa campagne, insistant périodiquement sur le fait qu’il doit faire ce qu’il avait dit qu’il ferait.

Malheureusement, les choix qu’il a faits pour assumer ses responsabilités envers ses partisans ont été épouvantables, y compris le déplacement de l’ambassade des États-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, la menace de mettre fin à l’accord nucléaire iranien et la construction d’un mur le long de la frontière mexicaine. Le suivi de certaines autres promesses a été moins cohérent. Il a augmenté l’engagement militaire américain en Afghanistan et a remis la guerre aux généraux tout en hésitant dans sa promesse d’améliorer les relations avec la Russie.
L’avancée potentielle offerte par des échanges prometteurs lors d’appels téléphoniques à Vladimir Poutine a été annulée par des menaces, des sanctions et des expulsions pour satisfaire les membres hystériques du Congrès et les médias.
En ce qui concerne la Syrie, Trump a dit mardi dernier « Je veux en partir », promettant de retirer les troupes américaines très bientôt, mais a été rapidement rappelé à l’ordre par la pression du Congrès et un appel téléphonique du Premier ministre israélien.[1]
Netanyahou : Le Congrès doit exécuter ses ordres [2].
Ici s’adressant à une session conjointe, le 24 mai 2011
Benjamin Netanyahou qui l’a contraint à changer d’avis dans les 24 heures. Israël veut le chaos en Syrie et son instrument de choix est l’armée américaine. Netanyahou a le Congrès pour faire exécuter ses ordres et, pour une raison ou une autre, semble aussi avoir Trump sous son joug.
Un très bon menteur.
Donald Trump s’avère donc être un très bon menteur, même s’il faut tenir compte du fait qu’il n’a souvent aucune idée de ce dont il parle. Mais le prix pour avoir menti à un niveau élevé doit aller aux Britanniques en ce qui concerne ce qui se passe à la fois au Moyen-Orient, avec la Russie, et aussi en Grande-Bretagne elle-même.
L’ancien Premier ministre Tony Blair a été le premier maître de la dissimulation en 2002 lorsque son chef du renseignement Sir Richard Dearlove lui a dit que la Maison-Blanche de Bush avait décidé de la guerre et que « les renseignements et les faits confirmaient la politique » concernant l’Irak, ce qui signifie qu’il ignorait l’information qui n’appuyait pas son désir de créer un prétexte pour envahir le pays et éliminer Saddam Hussein.
Blair aurait probablement pu faire capoter cette tragique invasion en refusant de participer à l’entreprise, qui était un crime de guerre, mais au lieu de cela, il a pleinement soutenu George W. Bush dans l’attaque. Il a ainsi été impliqué dans le pire désastre de politique étrangère de l’histoire de l’Amérique. En 2016, une enquête officielle du gouvernement britannique a déterminé que Bush et Blair s’étaient en effet précipités dans la guerre ensemble. La classe dirigeante mondiale a néanmoins récompensé Tony Blair pour sa loyauté par une générosité à la Clinton. Il a bénéficié d’un certain nombre de sinécures bien payées et vaut maintenant plus de 100 millions de dollars.
Création d’une crise à l’étranger
Pour en revenir au présent, nous avons la Première ministre Theresa May. May a eu de sérieux problèmes, politiquement parlant. Après les pertes subies lors des récentes élections parlementaires, elle s’accroche au pouvoir et est de plus en plus impopulaire, même au sein de son propre Parti conservateur. Alors, que faites-vous lorsque vous avez des problèmes à la maison ? Vous créez une crise extérieure à laquelle vous devez faire face.
May : Peu de raisons
de sourire maintenant
Si vous êtes quelqu’un d’aussi vénal que l’ancien président américain et opportuniste Bill Clinton, vous y parviendrez en tirant quelques missiles de croisière sur une usine pharmaceutique au Soudan et sur des huttes de boue en Afghanistan. Si vous êtes May, vous augmentez considérablement la mise, en vous trouvant un ennemi puissant qui vous menace, ce qui vous permet d’apparaître à la fois résolu et fort face à un ennemi redoutable. C’est précisément ce que nous avons vu au cours du mois dernier au sujet de l’empoisonnement présumé de l’ancien agent double russe Sergei Skripal et de sa fille Ioulia.
Il y a quelque chose d’étrange dans l’affaire Skripal. Même le Guardian, journal de plus en plus néoconservateur, a admis que « le dossier britannique [contre la Russie] s’est jusqu’à présent davantage appuyé en public sur des preuves circonstancielles et des renseignements secrets ». Et les renseignements secrets, comme on les appelle, ont trop souvent été le dernier refuge de la canaille lorsqu’un gouvernement vend de la poudre de perlimpinpin au public. Dans cette affaire, le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson s’est empressé de porter un jugement sur la Russie moins de quarante-huit heures après que les Skripal ont été trouvés inconscients sur un banc à Salisbury, en Angleterre, trop tôt pour qu’une analyse chimique de l’empoisonnement présumé ait pu avoir lieu.
Et encore une fois, accuser le Kremlin
May s’est adressée au Parlement peu de temps après pour accuser le Kremlin et exiger une réponse officielle russe à l’événement en 36 heures, même si elle a dû tergiverser considérablement, en disant que l’empoisonnement apparent était « très probablement » causé par un agent neurotoxique fabriqué en Russie et désigné par son nom générique de Novitchok. Elle a néanmoins rallié les députés d’arrière-ban au Parlement, qui ont répondu avec un grand enthousiasme approbateur « Écoutez ! Écoutez ! »
Lorsque le chef travailliste Jeremy Corbyn a tenté de ralentir le train express en suggérant qu’il serait sage d’attendre et de voir ce que l’enquête policière a révélé, il a été hué. Les médias britanniques se sont rapidement mobilisés avec une ardeur renouvelée, répandant la ligne gouvernementale qu’une opération aussi délicate nécessiterait l’approbation du président Vladimir Poutine lui-même. L’expulsion des diplomates russes n’a pas tardé à suivre.
L’un des aspects les plus étranges de l’affaire Skripal est que la fille Yulia a été libérée de l’hôpital mardi. Elle a été gardée au secret et est « protégée » dans un endroit secret par le gouvernement britannique. C’est impossible de savoir si elle veut retourner à sa vie en Russie et est retenue contre sa volonté, non pas tant pour la protéger que pour la faire taire.
Corbyn : Essayant
de freiner un train fou
.
Sergei n’est plus dans un état critique. Une cousine Viktoria Skripal a offert de prendre l’avion depuis Moscou pour apporter son soutien à sa famille, mais s’est vu refuser un visa britannique. La télévision russe a diffusé un enregistrement d’un appel téléphonique entre les deux cousines dans lequel Ioulia a dit qu’elle était désorientée mais qu’elle s’améliorait et que ni elle ni son père n’avaient subi de dommages permanents à cause de l’empoisonnement. L’appel s’est terminé brusquement et Viktoria Skripal pense qu’il a été écrit par le gouvernement britannique et passé sur une ligne téléphonique contrôlée.
Les demandes répétées de la Russie pour obtenir un échantillon de l’agent neurotoxique présumé pour des tests ont été rejetées par le gouvernement britannique en dépit du fait qu’un agent neurotoxique de qualité militaire aurait sûrement tué les Skripals ainsi que n’importe qui d’autre dans un rayon de 100 mètres. Comme le dernier récit britannique de l’emplacement du poison présumé le place sur la poignée de la porte de la résidence des Skripals, l’élément horaire n’est pas convaincant non plus. Cela signifie que les deux auraient passé trois heures, y compris un arrêt à un pub et un déjeuner, avant de succomber sur un banc de parc. Les agents neurotoxiques de qualité militaire tuent instantanément et celui-ci est dit 8 fois plus puissant que le VX.
Une demande pour que les tests soient effectués par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, politiquement neutre, est en cours, mais il y a peu d’enthousiasme de la part des Britanniques, qui ne veulent pas qu’un observateur russe participe au processus. Le gouvernement de May a déjà établi sa propre version des faits et aurait certainement beaucoup à perdre si toute l’affaire se révélait avoir été fabriquée de toutes pièces. Et si elle a été fabriquée, c’est peut-être parce que l’agent neurotoxique, s’il existe réellement, aurait pu être fabriqué presque n’importe où.
Le directeur de la propre usine d’armes chimiques de la Grande-Bretagne, Porton Down, a contredit les affirmations de May, de Johnson et de l’ambassadeur britannique à Moscou, Laurie Bristow. Le directeur général du laboratoire, Gary Aitkenhead, a déclaré qu’il ne sait pas si l’agent neurotoxique a été effectivement produit en Russie, ce qui n’est pas surprenant puisque la formule chimique a été révélée au public dans un article scientifique en 1992 et qu’il y a une vingtaine de pays capables de le produire. Il y a également des stocks possibles de Novitchok restant dans des pays indépendants qui faisaient autrefois partie de l’Union soviétique, y compris l’ennemi du jour de la Russie, l’Ukraine, alors qu’une opération sous faux drapeau par les Britanniques eux-mêmes, la CIA ou le Mossad, n’est pas impensable.
Un discours gouvernemental orwellien
Le recours à une langue officielle orwellienne par les Britanniques est remarquable tout au long du processus, mais la lecture est particulièrement douloureuse en ce qui concerne le traitement des animaux de compagnie des Skripals, deux cochons d’Inde et un chat. Un porte-parole du ministère de l’Environnement a rapporté que « La propriété dans le Wiltshire a été scellée dans le cadre de l’enquête policière. Lorsqu’un vétérinaire a pu accéder à la propriété, deux cochons d’Inde étaient malheureusement morts. Un chat a également été trouvé dans un état de détresse et un vétérinaire a pris la décision d’euthanasier l’animal pour soulager ses souffrances. Cette décision a été prise dans le meilleur intérêt de l’animal et de son bien-être ».
Ainsi, la présence d’escadrons de techniciens et de flics dans la résidence ne permettait à personne de prendre une minute pour nourrir le chat et les cobayes. Et le chat a été tué dans un geste purement humanitaire – le « meilleur intérêt » était apparemment de mourir. Ça a quelque chose, de familier, n’est-ce pas ?
Enfin, le meilleur argument contre les esquives du gouvernement britannique au sujet de ce qui s’est passé à Salisbury le 4 mars reste la question du mobile.
Les Britanniques voudraient faire croire que Poutine a personnellement ordonné le meurtre d’un ancien agent double britannique qui avait été libéré d’une prison du Kremlin lors d’un échange d’espion et qui ne pouvait plus causer de dommages à la Russie. Il l’aurait fait en dépit du fait qu’il y avait une élection à venir et qu’il accueillerait la Coupe du monde cet été, événement qu’il voudrait voir se dérouler sans heurts. Il s’est donc délibérément tiré dans le pied sur ces deux points, prétendument parce qu’il voulait envoyer un message aux traîtres et aussi parce qu’il ne peut tout simplement pas s’en empêcher puisqu’il est un type du KGB vindicatif dont les impulsions sont le mal à l’état pur. Est-ce que cela a un sens pour le lecteur ? Pas pour moi.
Une version antérieure de cet article a été publiée sur la Revue Unz.
Philip Giraldi
ancien agent de la CIA, est directeur exécutif du Conseil pour l’intérêt national.
Source : Phil Giraldi, Consortium News, 11-04-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.

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