Paniqués, on le
serait à moins à Washington. Pour l'empire, c'est 2016 qui recommence...
L'Eurasie se rapproche inexorablement, encouragée en ce sens par les
gesticulations américaines. Un accord préliminaire en vue de la création d'une zone de
libre échange a été paraphé entre l'Union Économique Eurasienne (UEE) et
l'Iran, ce qui permettra d'adoucir les éventuelles sanctions US. Inutile de
dire que les échanges ne se feront pas en dollars mais en roubles.
Chose
intéressante, la signature a eu lieu quelques jours après la décision
unilatérale de Donaldinho sur le nucléaire iranien. On a là un énième exemple
du savoir-faire de Vladimirovitch : sans bruit, sans vagues, prendre une
décision susceptible d'aider considérablement un allié tout en déminant les
effets de l'agitation impériale.
De leur côté,
après deux ans de négociations, les Chinois ont
signé avec cette même UEE un accord économique et commercial qui devrait
entrer en vigueur dès l'année prochaine. A mettre en relation avec les
Nouvelles routes de la Soie qui gagnent déjà quotidiennement en importance bien
que le pharaonique projet ait à peine débuté. Le commerce entre les pays
concernés - Chine, Russie, Inde, Asie centrale - a considérablement augmenté, pas toujours dans le sens que
l'on croit d'ailleurs. Ainsi, les importations du dragon ont bondi de 20% (666
Mds d'équivalents dollars) tandis que ses exportations ont crû de 8,5% (774
Mds). Nous étions plutôt habitués à l'inverse...
Après une avantageuse visite en Chine fin avril, où les différends frontaliers près du Bhoutan n'ont pas été
publiquement abordés, le premier ministre indien Modi a fait un petit tour à Sochi pour rencontrer Poutine afin de
"renforcer la relation stratégique spéciale" entre Moscou et New
Delhi. Entre autres sujets abordés, la coopération militaire (S-400, Sukhois...)
Tout ce joli
monde se retrouvera à Qingdao le
mois prochain pour, non pas boire la délicieuse bière locale, mais
inaugurer le nouveau format de l'Organisation de Coopération de Shanghai, la
structure qui monte, qui monte... L'Inde et le Pakistan en faisant
désormais pleinement partie, l'OCS regroupe la moitié de la population mondiale
- dont les deux pays les plus peuplés de la planète -, s'étend sur près de 40
millions de km², compte quatre puissances nucléaires et bénéficie des
ressources énergétiques fabuleuses de la Russie et de l’Asie centrale.
L'hôte a déjà dévoilé
l'un des thèmes majeurs, avançant le concept d'une "sécurité commune, globale, coopérative et durable", et
la promotion d'un "modèle de gestion de la sécurité résolvant à la fois
les symptômes et les causes principales afin de porter la coopération de l'OCS
sur la sécurité à un nouveau niveau". Si l'empire maritime américain ne
peut plus mettre le continent-monde à feu et à sang afin de le maintenir
divisée, où va-t-on ma bonne dame... L'intégration eurasiatique
semble inarrêtable, ce qui ne surprendra pas le fidèle lecteur de nos Chroniques
(entre autres ici, ici, ici ou encore ici).
Cela sans
compter la bourde stratégique impériale de se retirer de l'accord sur le
nucléaire iranien. Si la décision a sa logique interne - plaire aux derniers
clients de l'hégémon déclinant : Arabie saoudite et Israël -, elle
risque fort de se révéler à terme catastrophique pour Washington.
L'objectif réel
de Barack à frites en signant l'accord de 2015 n'avait rien de pacifique ou de
noble ; il s'agissait de rendre les dirigeants iraniens plus malléables aux
concessions (quitter la Syrie ou cesser le soutien au Hezbollah par exemple),
et surtout d'éloigner l'Iran du couple sino-russe. La décision donaldienne et
les sanctions qui en découlent vont au contraire pousser Téhéran dans les bras de l'Eurasie. L'alliance naturelle Russie-Chine-Iran en sortira renforcée et Spykman doit se
retourner dans sa tombe...
Moscou et
Téhéran, qui ne commercent plus
en dollars, continueront leurs échanges comme si de rien n'était. Et
l'accord voulu par Poutine entre l'UEE et l'Iran, que nous avons évoqué plus
haut, le démontre.
Pour bien
signifier que les relations commerciales sino-iraniennes continueront elles
aussi contre vents et marées, Pékin vient d'ouvrir une ligne ferroviaire de fret de 8.000 km
reliant les deux pays et le mastodonte énergétique chinois CNPC est d'ors et
déjà prêt à remplacer Total sur le gisement gazier South Pars. A
ce titre, la réaction nounouille de Micron n'est guère surprenante vu le
parcours du personnage :
« Les conséquences
indirectes de la décision américaine vont favoriser les positions russes et
chinoises dans la région et avantager leurs entreprises. Mais nous
n'allons pas déclencher une guerre commerciale avec les États-Unis sur l'Iran
ou contre-sanctionner des entreprises américaines ».
Trop émoustillé
par ses caresses au Donald lors de son séjour à la Maison Blanche ? La
soumission de l'occupant de l'Elysée contraste en tout cas avec la combativité allemande, déjà visible à propos du Nord Stream II. L'eurocratie va-t-elle franchir le
Rubicon et abandonner le dollar dans ses transactions pétrolières avec
l'Iran ? Connaissant la clique impuissante de Bruxelles, rien n'est moins
sûr...
Mais cette
affaire a au moins le mérite de renforcer encore un peu plus la méfiance
vis-à-vis du billet vert et de compromettre le pétrodollar sur lequel l'empire base une
grande partie de sa puissance. Les Chinois n'en demandaient pas tant, eux qui préparaient depuis longtemps et ont lancé fin mars en fanfare leurs contrats à terme sur le
pétrole libellés en yuan :
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