mardi 8 mai 2018

Méga-flop de Trump en Syrie

Ne croyez pas un seul mot de ce que vous ont dit le Pentagone et la Maison-Blanche sur le « succès » des dernières frappes de missiles contre la Syrie. Une arnaque est montée contre le peuple américain et le monde. Franchement, le général Mattis et le général Dunford se sont discrédités en cautionnant ce cirque.

 
Si vous pouviez aller au CAOC (le centre des opérations aériennes combinées de l’OTAN) situé dans la base aérienne d’Al Oudeid au Qatar et parler à des officiers du CENTCOM (United States Central Command, le commandement des forces armées des USA pour le Moyen Orient), vous rencontreriez un mélange de dégoût, de surprise et de colère après l’affirmation de Trump sur la « mission accomplie ». Et je parle de gens qui étaient en faveur du président Trump. Mais Trump, avec ses sycophantes du Pentagone et du haut commandement militaire, a dépassé une ligne rouge dans la pensée délirante.
Pourquoi ce mécontentement ?
Il y en a au moins trois sources 
- d’abord, les États-Unis ont complètement coordonné l’attaque contre la Syrie avec les Russes ; 
- ensuite, plus de la moitié des missiles tirés par les USA, la France et la Grande-Bretagne ont été abattus par les systèmes de défense aérienne syriens ; 
- et pour finir, les experts (comme le général retraité Jack Keane) qui insistent stupidement sur le fait imaginaire selon lequel la Russie serait une puissance militaire de seconde zone et qu’elle ne répliquera jamais.
Commençons par la première question, la « coordination ». Nous sommes en contact quotidien avec les Russes pour leur dire où nous volons en Syrie depuis presque trois ans. Qui le dit ?
L’AP :
Vols dans des cieux peu cléments
Une coalition menée par les USA bombarde des territoires contrôlés par Daech en Syrie, avec 24 frappes lancées en ce seul jeudi dernier, selon le commandement central des forces armées des USA. La coalition compte quelque chose comme 60 pays, dont quelques-uns lancent leurs propres frappes en Syrie. La Russie mène sa propre campagne de bombardements en soutien aux forces du président Bachar el-Assad, et le gouvernement syrien a ses propres forces aériennes et ses systèmes de défense. Ce qui revient à un nombre important d’avions qui volent dans un espace aérien réduit, et pose un danger pour les pilotes. En novembre 2015, par exemple, un membre de l’OTAN, la Turquie, a abattu un chasseur de combat russe, provoquant presque une conflagration mondiale.
Pour protéger les pilotes, Moscou et Washington ont ouvert une ligne de réduction des dangers de conflits après que la Russie ait commencé sa campagne de bombardements en septembre 2015. Du côté des USA, elle est opérée par le Centre des opérations combinées aériennes et spatiales (Combined Air and Space Operations Center) hébergé dans la vaste base aérienne d’Al Oudeid au Qatar, qui abrite les quartiers généraux avancés de l ’US CENTCOM. Là, des contrôleurs de trafic aérien et des officiers militaires gradés sont en contact avec leurs homologues russes en Syrie. Ils partagent des coordonnées et autres données pour éviter de possibles collisions ou confrontations. L’un des pilotes américains qui mène des missions en Syrie a crédité sa sécurité à ce système dans une récente interview accordée à l’AP.
Avec ces explications, vous pouvez dorénavant comprendre à quel point la réponse du général Dunford, le président des chefs d’état-major interarmées, à la question qui lui a été posée :
Q: Je veux seulement éclaircir un point sur la ligne de réduction des dangers de conflits. Avez-vous notifié les Russes avant l’opération sur ce que vous alliez faire et les cibles que vous alliez viser ?
Géneral Dunford : Gordon, pour être clair, les seules – les seules communications qui ont spécifiquement eu lieu en lien avec cette opération avant que les cibles ne soient frappées ont passé par notre processus établi de réduction des dangers de conflits dans l’espace aérien, une procédure en place pour toutes nos opérations en Syrie.
Traduction : Nous avons prévenu la Russie sur nos cibles. La Russie a ensuite averti les Syriens. Les Syriens et les Russes ont évacué leur personnel et équipements des sites-cibles. Toute affirmation des États-Unis selon lesquelles nous aurions infligé de gros dégâts ou détruit des infrastructures essentielles relève de la plus pure fantasmagorie.
La deuxième question concerne le succès imaginaire des frappes américaines de Tomahawks. Avant que le général (retraité) Mattis n’arrive sur le podium samedi [pour le débriefing, NdT], il savait pertinemment qu’un nombre significatif de missiles avaient été abattus en Syrie. C’est pourquoi Mattis a conclu sa conférence de presse par les mots suivants :
« En nous fondant sur notre expérience récente, nous nous attendons pleinement à une importante campagne de désinformation dans les jours qui viennent de la part de ceux qui se sont alignés avec le régime Assad. »
Comprenons qu’il faisait son travail. Il vaccinait son opération ridicule contre les critiques légitimes à venir en soulignant simplement que toute information contraire aux affirmations du Pentagone serait « de la propagande ». Bien sûr, les officiers et autres employés qui peuplent le CAOC connaissaient la vérité. Les Russes et les Syriens ne mentaient pas quand ils affirmaient avoir abattu plus de 70 missiles américains, britanniques et français.
Je comprends les réticences des leaders militaires américains à admettre la vérité sur cette débâcle. Elle minerait la confiance de la population américaine dans notre système d’armements censément invincible et humilierait et mettrait en colère l’ado monté en graine qui habite la Maison-Blanche. Il vaut mieux lui raconter des mensonges et le laisser croire à des fables. Mais c’est un jeu très dangereux. Jusqu’ici, les Russes n’ont pas consenti de bien grands efforts de communication pour faire la lumière sur les mensonges des USA à propos des missiles. Peut-être ont-ils choisi la discrétion, comme un bon joueur de poker, pour ne pas montrer leur main au public américain. Un de ces jours, Trump et compagnie vont parier une fois de trop sur une non-réaction de la Russie et provoquer une réaction foudroyante, et la population américaine sera brutalement tirée de sa torpeur. Ils découvriront que les Russes ont un avantage important sur nous en matière de défense aérienne.
Un des mes amis, un expert en la matière m’a écrit :
« Tout ingénieur en défense aérienne qui ne soit pas un fieffé menteur admettra que les technologies de défense aérienne russes nous ont dépassé dans les années 50 et que nous n’avons jamais été capables de rattraper notre retard sur eux. Les systèmes qu’ils ont mis en place autour de Moscou font ressembler nos Patriot 3 à des putains de pistolets à bouchons. »
Finalement, il y a la question des Russes en tant que force militaire de seconde zone déguisée en puissance mondiale. Un autre ami qui a parlé avec des chefs militaires du CENTCOM AOR (CENTCOM area of responsibility, zone de responsabilité du CENTCOM) m’a dit :
« Tous les commandants des forces aériennes compétents sont en général morts de frousse à l’idée d’un combat aérien en bonne et due forme avec un SU-30 ou n’importe quel autre chasseur de combat de pointe russe. »
.........
Nos analystes des renseignements sont parfaitement au fait de l’étendue des capacités militaires déployées par les Russes en Syrie. On peut seulement espérer que leurs mémos ne soient pas considérés comme « de la propagande » et écartés parce qu’ils ne s’accordent pas à la version en faveur auprès d’un Donald Trump en plein délire.
Sic Semper Tyrannis, le site du colonel américain retraité Pat Lang, réunit des anciens officiers des forces armées et des analystes des renseignements militaires des USA et de l’OTAN.
Par Publius Tacitus

Paru sur Sic Semper Tyrannis sous le titre Trump’s Big Flop In Syria by Publius Tacitus
Traduction Entelekheia

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