jeudi 24 mai 2018

L'Iran annonce son intention de rester en Syrie en réponse aux menaces de Pompeo


Ce n'est pas à l'Oncle Sam de décider, mais à la Syrie et à l'Iran seuls.

Après la brève réunion de jeudi dernier à Sotchi entre le président russe Vladimir Poutine et Bachar al-Assad, où Poutine a souligné que toutes les "forces étrangères" devaient se retirer de Syrie, il y a eu beaucoup de spéculations sur ce que Poutine voulait dire.
Beaucoup ont vite fait remarquer qu'Assad avait accepté que les «forces étrangères illégales» quittent la Syrie - ce qui signifie les forces d'occupation non invitées dans le nord et le nord-est, à savoir les troupes américaines, les troupes turques et leurs djihadistes étrangers. Les médias occidentaux, dont CNN et le Washington Post, ont salué la demande de Poutine de voir l'Iran se retirer de la Syrie.
Quelle que soit l'entité non syrienne que Poutine avait l'intention d'inclure par ses paroles, la Syrie et l'Iran ont donné lundi leur réponse sans équivoque: l'Iran a annoncé qu'il resterait en Syrie à la demande du gouvernement Assad.
"Si les Syriens veulent que nous restions, nous continuerons d'être là", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bahram Qasemi, cité à Téhéran par l'agence iranienne d'information IRNA. "Personne ne peut forcer l'Iran à faire quoi que ce soit; L'Iran a ses propres politiques indépendantes ", a déclaré M. Qasemi, en réponse à une question faisant référence aux rapports répandus selon lesquels la Russie souhaite que l'Iran retire ses forces de Syrie.
"Ceux qui sont entrés en Syrie sans la permission du gouvernement syrien sont ceux qui doivent quitter le pays", a-t-il déclaré en référence aux quelque 2.000 soldats américains (en plus des soldats français (300 militaires français arrêtés), anglais, turcs, britanniques et israéliens) qui occupent actuellement les régions kurdo-syriennes dans le nord-est et l'est du pays. .
Comme nous l'avons noté à la suite de l'attaque massive israélienne du 10 mai sur plusieurs sites en Syrie qui a marqué la plus grande escalade militaire entre les deux pays depuis des décennies, la Russie semble rester sur la touche (SYRIE. Israël a détruit les systèmes Pantsir et S-200. La Russie refuse de livrer des S-300)  tandis que la Syrie et Israël testent les limites de leur confrontation. Cela veut dire que la Russie équilibre soigneusement ses propres intérêts en Syrie, désireuse d'éviter une escalade incontrôlée conduisant à une confrontation directe de grandes puissances. Elle sait qu’Israël contrôle étroitement aussi bien Trump que le Deep State américain.
Cependant, la patience d'Israël semble s'amenuiser après que l'avertissement du Premier ministre Netanyahou concernant sa "ligne rouge iranienne", répété à maintes reprises, soit resté lettre morte. Dans plusieurs sommets avec Poutine remontant à 2015 (les deux se sont rencontrés plus de 6 fois depuis), Netanyahou a souligné à plusieurs reprises qu'il ne tolérerait pas une présence iranienne en Syrie et a également signalé sa volonté d'aller en guerre en Syrie pour réduire l'influence iranienne.
"L'Iran est déjà bien parti pour contrôler l'Irak, le Yémen et, dans une large mesure, contrôle déjà le Liban" a déclaré
Netanyahou à Poutine lors d'une réunion particulièrement tendue en août 2017 et il a ajouté: "Nous ne pouvons pas oublier une seule minute que l'Iran menace chaque jour d'annihiler Israël. Israël s'oppose au maintien de l'Iran en Syrie. Nous sommes sûrs d’utiliser tous les moyens contre cela et contre toute menace. "
Les frappes militaires israéliennes contre la Syrie (attaques sur des sites censés être des bases iraniennes abritant des actifs iraniens) se sont intensifiées de manière exponentielle au cours du semestre écoulé, pouvant provoquer une explosion sans précédent de la guerre dans toute la région. Israël prétend avoir été attaqué par les tirs de roquettes iraniens.
Le fait que l'Iran et la Syrie puissent annoncer ouvertement et avec confiance l'intention de l'Iran de rester en Syrie signifie que Damas se voit dans une nouvelle position de force après avoir abattu plusieurs avions et missiles israéliens et tiré simultanément des roquettes sur le territoire du Golan occupé par Israël - une réponse peut-être inattendue par les dirigeants israéliens qui s'étaient habitués à attaquer l'armée syrienne et ses alliés en toute impunité.
Parallèlement, Damas a annoncé lundi que toutes les banlieues de la capitale avaient été libérées des terroristes islamistes d'Al-Qaïda et de Daech, marquant la fin des attaques terroristes  de plusieurs années dans et autour de la capitale. Comme l'a noté Al-Masdar News, "l'Armée Arabe Syrienne (AAS) contrôle totalement la ville de Damas et sa campagne pour la première fois depuis l'avènement de ce conflit".
Pourtant, le schéma qui a émergé au cours des dernières années a été que chaque fois que l'armée syrienne sort victorieuse ou porte un élan militaire écrasant, Israël ou les États-Unis lancent une attaque.
Le président iranien Hassan Rouhani a rejeté les demandes ampoulées de Pompeo et a juré de continuer "notre chemin", insistant sur le fait que les États-Unis ne pouvaient pas "décider pour le monde".
Les mots de Rouhani, cités par l'agence de presse ILNA, étaient les suivants: «Qui êtes-vous pour décider pour l'Iran et le monde? Le monde aujourd'hui n'accepte pas que l'Amérique décide pour le monde, car les pays sont indépendants ... cette ère est finie ... Nous continuerons notre chemin avec le soutien de notre nation. "
Cette escalade continue de la rhétorique ne fera que garantir que l'Iran devient de plus en plus ancré en Syrie, mais il sera intéressant de voir comment la Russie répond diplomatiquement.
Nous avons déjà vu la «diplomatie» israélienne sous la forme d'attaques à répétition de missiles, mais jusqu'à quel point la Russie et l'Iran vont-ils s'asseoir et adopter avant d'imposer leurs propres lignes rouges contre Israël et l'Occident?
Source: Zero Hedge

Traduction : H. GENSERIC


Le double jeu russe en Syrie

Depuis son engagement militaire en Syrie en 2015, dans le but affiché de soutenir le gouvernement de Bashar al-Assad, la Russie est prise entre deux feux. D’un côté, elle est appuyée par son allié iranien sur le dossier syrien et les deux Etats coopèrent notamment dans le cadre du « processus d’Astana ». De l’autre, la Russie cherche à maintenir des relations stables avec Israël, ennemi juré de l’Iran et un allié sûr des États-Unis qui s’opposent militairement au régime syrien. Par le biais du maintien de cet équilibre fragile, la Russie cherche à accroître son potentiel d’intermédiaire au Moyen-Orient. En valorisant des relations à la fois avec l’Iran et Israël, deux États qu’il est peu envisageable de rassembler autour d’une table de négociations, la Russie prétend au rôle d’ « arbitre de facto » et se veut indispensable dans la résolution des conflits régionaux.[1]
Cet objectif a une double dimension pour la Russie. D’une part, cela répond à ses ambitions d’être reconnue en tant que « puissance mondiale », notamment politique, diplomatique et militaire, et d’autre part cela lui permet de sortir d’une relative isolation politique sur la scène internationale suite au conflit russo-ukranien. Dans cette perspective, la Russie va logiquement chercher à profiter de la décision du président américain Donald Trump de se retirer du Plan d’action global conjoint sur le programme nucléaire iranien et de la détermination des États européens de respecter cet accord. [2] Les différends au sein de la coalition occidentale, exacerbés davantage par la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem en tant que capital d’Israël suite au transfert de leur ambassade, peuvent potentiellement fournir les conditions pour un nouveau terrain d’entente entre la Russie et l’Europe.
Les manœuvres politiques russes entre Israël et l’Iran
Pour réaliser son potentiel d’intermédiaire, la Russie continue à manœuvrer entre les deux États rivaux. Une telle prise de position lui permet de vendre des armements à l’Iran, d’accueillir avec une fréquence remarquable le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à Moscou et de rester relativement neutre par rapport aux attaques réciproques entre les deux États.
La volonté de la Russie de garder de bonnes relations avec Israël se traduit notamment par ses tentatives récentes de limiter dans une certaine mesure l’avancement de l’Iran en Syrie, considéré par Tel-Aviv comme une provocation. Ainsi, par exemple, la Russie a renoncé à ses projets de vente du système missile S-300 à la Syrie peu après la rencontre entre Vladimir Poutine et Benyamin Netanyahou. Si, suite à l’offensive de la coalition occidentale lancée le 14 avril, le chef de la diplomatie russe Sergei Lavrov a déclaré que « Moscou n’avait plus d’obligations morales qui l’empêcheraient de fournir des armements à Damas », le 11 mai, l’assistant du président russe Vladimir Kozhine a assuré que « pour l’instant, il ne s’agit pas d’une quelconque livraison de nouveaux systèmes » au gouvernement syrien.[3]
Deuxièmement, le choix du timing de l’attaque des forces israéliennes sur les sites iraniens en Syrie qui a eu lieu le jour même de la rencontre des deux homologues, ne semble pas être anodin.
Cependant, malgré le succès relatif de la Russie dans la poursuite de ce jeu d’alliances, sa marge de manœuvre entre l’Iran et Israël diminue au fur et à mesure que l’escalade des tensions entre les deux Etats devient de plus en plus palpable. La résolution de ce problème devra se faire au niveau régional plus large et nécessitera les efforts d’autres acteurs influents, notamment l’UE. [4]

[1] Anaïs LLOBET, « Moscou, arbitre de facto entre l’Iran et Israël », L’Orient le jour, 11 mai 2018
[3] Anna SEDOVA, « Israil mstit Rossii za SCHA : ‘Pantsir-S1’ unichtozhen, postavki S-300 sorvany » (Israël se venge contre la Russie pour les États-Unis : ‘Pantsir-S1’ détruit, la livraison de S-300 annulé), Svobodnaya Pressa, 11 mai 2018
[4] Rachid Chaker, « Arabie Saoudite-Iran : jusqu’où ira la confrontation? », Thucydoc, 2 mai 2018
 

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