Ce
n'est pas à l'Oncle Sam de décider, mais à la Syrie et à l'Iran seuls.
Après
la brève réunion de jeudi dernier à Sotchi entre le président russe Vladimir
Poutine et Bachar al-Assad, où Poutine a souligné que toutes les
"forces étrangères" devaient se retirer de Syrie, il y a eu beaucoup
de spéculations
sur ce que Poutine voulait dire.
Beaucoup
ont vite fait remarquer qu'Assad avait accepté que les «forces étrangères
illégales» quittent la Syrie - ce qui signifie les forces d'occupation non
invitées dans le nord et le nord-est, à savoir les troupes américaines, les
troupes turques et leurs djihadistes étrangers. Les médias occidentaux, dont
CNN et le Washington Post, ont salué la demande de Poutine de voir l'Iran
se retirer de la Syrie.
Quelle
que soit l'entité non syrienne que Poutine avait l'intention d'inclure par ses
paroles, la Syrie et l'Iran ont donné lundi leur réponse sans équivoque: l'Iran
a annoncé qu'il resterait en Syrie à la demande du gouvernement Assad.
"Si
les Syriens veulent que nous restions, nous continuerons d'être là", a
déclaré
le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bahram Qasemi,
cité à Téhéran par l'agence iranienne d'information IRNA. "Personne ne
peut forcer l'Iran à faire quoi que ce soit; L'Iran a ses propres politiques
indépendantes ", a déclaré M. Qasemi, en réponse à une question
faisant référence aux rapports répandus selon lesquels la Russie souhaite que
l'Iran retire ses forces de Syrie.
"Ceux
qui sont entrés en Syrie sans la permission du gouvernement syrien sont ceux
qui doivent quitter le pays", a-t-il déclaré en référence aux
quelque 2.000 soldats américains (en plus des soldats français (300
militaires français arrêtés), anglais, turcs, britanniques et israéliens)
qui occupent actuellement les régions kurdo-syriennes dans le nord-est et l'est
du pays. .
Comme
nous
l'avons noté à la suite de l'attaque massive israélienne du 10 mai sur
plusieurs sites en Syrie qui a marqué la plus grande escalade militaire entre
les deux pays depuis des décennies, la Russie semble rester sur la touche (SYRIE.
Israël a détruit les systèmes Pantsir et S-200. La Russie refuse de livrer des
S-300) tandis que la Syrie et
Israël testent les limites de leur confrontation. Cela veut dire que la
Russie équilibre soigneusement ses propres intérêts en Syrie, désireuse
d'éviter une escalade incontrôlée conduisant à une confrontation directe de
grandes puissances. Elle sait qu’Israël contrôle étroitement aussi bien Trump
que le Deep State américain.
Cependant,
la patience d'Israël semble s'amenuiser après que l'avertissement du Premier
ministre Netanyahou concernant sa "ligne
rouge iranienne", répété à maintes reprises, soit resté lettre morte.
Dans plusieurs sommets avec Poutine remontant à 2015 (les deux se sont
rencontrés plus de 6 fois depuis), Netanyahou a souligné à plusieurs reprises
qu'il ne tolérerait pas une présence iranienne en Syrie et a également
signalé sa volonté d'aller en guerre en Syrie pour réduire l'influence iranienne.
"L'Iran
est déjà bien parti pour contrôler l'Irak, le Yémen et, dans une large mesure,
contrôle déjà le Liban" a déclaré
Netanyahou à Poutine
lors d'une réunion
particulièrement tendue en août 2017 et il a ajouté: "Nous ne
pouvons pas oublier une seule minute que l'Iran menace chaque jour d'annihiler
Israël. Israël s'oppose au maintien de l'Iran en Syrie. Nous sommes sûrs
d’utiliser tous les moyens contre cela et contre toute menace. "
Les
frappes militaires israéliennes contre la Syrie (attaques sur des sites censés
être des bases iraniennes abritant des actifs iraniens) se sont intensifiées de
manière exponentielle au cours du semestre écoulé, pouvant provoquer une explosion
sans précédent de la guerre dans toute la région. Israël prétend avoir été
attaqué par les tirs de roquettes iraniens.
Le
fait que l'Iran et la Syrie puissent annoncer ouvertement et avec confiance
l'intention de l'Iran de rester en Syrie signifie que Damas se voit dans une
nouvelle position de force après avoir abattu plusieurs avions et missiles
israéliens et tiré simultanément des roquettes sur le territoire du Golan
occupé par Israël - une réponse peut-être inattendue par les dirigeants
israéliens qui s'étaient habitués à attaquer l'armée syrienne et ses alliés en
toute impunité.
Parallèlement,
Damas a annoncé lundi que toutes les banlieues de la capitale avaient été
libérées des terroristes islamistes d'Al-Qaïda et de Daech, marquant la fin des
attaques terroristes de plusieurs années
dans et autour de la capitale. Comme l'a noté
Al-Masdar News, "l'Armée Arabe Syrienne (AAS) contrôle totalement la ville de Damas et
sa campagne pour la première fois depuis l'avènement de ce conflit".
Pourtant,
le schéma qui a émergé au cours des dernières années a été que chaque fois
que l'armée syrienne sort victorieuse ou porte un élan militaire écrasant,
Israël ou les États-Unis lancent une attaque.
Le
président iranien Hassan Rouhani a rejeté les demandes ampoulées de Pompeo
et a juré de continuer "notre chemin", insistant sur le
fait que les États-Unis ne pouvaient pas "décider pour le monde".
Les
mots de Rouhani, cités par l'agence de presse ILNA, étaient les suivants: «Qui
êtes-vous pour décider pour l'Iran et le monde? Le monde aujourd'hui n'accepte
pas que l'Amérique décide pour le monde, car les pays sont indépendants ...
cette ère est finie ... Nous continuerons notre chemin avec le soutien de notre
nation. "
Cette
escalade continue de la rhétorique ne fera que garantir que l'Iran devient de
plus en plus ancré en Syrie, mais il sera intéressant de voir comment la Russie
répond diplomatiquement.
Nous
avons déjà vu la «diplomatie» israélienne sous la forme d'attaques à répétition
de missiles, mais jusqu'à quel point la Russie et l'Iran vont-ils s'asseoir et
adopter avant d'imposer leurs propres lignes rouges contre Israël et
l'Occident?
Source: Zero Hedge
Traduction : H. GENSERIC
Le double
jeu russe en Syrie
Depuis son
engagement militaire en Syrie en 2015, dans le but affiché de soutenir le
gouvernement de Bashar al-Assad, la Russie est prise entre deux feux.
D’un côté, elle est appuyée par son allié iranien sur le dossier syrien et les
deux Etats coopèrent notamment dans le cadre du « processus
d’Astana ». De l’autre, la Russie cherche à maintenir des relations
stables avec Israël, ennemi juré de l’Iran et un allié sûr des États-Unis qui
s’opposent militairement au régime syrien. Par le biais du maintien de cet
équilibre fragile, la Russie cherche à accroître son potentiel d’intermédiaire
au Moyen-Orient. En valorisant des relations à la fois avec l’Iran et Israël,
deux États qu’il est peu envisageable de rassembler autour d’une table de
négociations, la Russie prétend au rôle d’ « arbitre de facto »
et se veut indispensable dans la résolution des conflits régionaux.[1]
Cet objectif a une double dimension pour la
Russie. D’une part, cela répond à ses ambitions d’être reconnue en tant que
« puissance mondiale », notamment politique, diplomatique et
militaire, et d’autre part cela lui permet de sortir d’une relative isolation
politique sur la scène internationale suite au conflit russo-ukranien. Dans
cette perspective, la Russie va logiquement chercher à profiter de la décision du président
américain Donald Trump de se retirer du Plan d’action global conjoint sur le
programme nucléaire iranien et de la détermination des États européens de
respecter cet accord. [2] Les différends au sein de la coalition
occidentale, exacerbés davantage par la reconnaissance par les États-Unis
de Jérusalem en tant que capital d’Israël suite au
transfert de leur ambassade, peuvent potentiellement fournir les conditions
pour un nouveau terrain d’entente entre la Russie et l’Europe.
Les manœuvres politiques russes
entre Israël et l’Iran
Pour réaliser son potentiel d’intermédiaire, la
Russie continue à manœuvrer entre les deux États rivaux. Une telle prise de position lui
permet de vendre des armements à l’Iran, d’accueillir avec une fréquence
remarquable le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à Moscou et de
rester relativement neutre par rapport aux attaques réciproques entre les deux
États.
La volonté de la Russie de garder de bonnes
relations avec Israël se traduit notamment par ses tentatives récentes de
limiter dans une certaine mesure l’avancement de l’Iran en Syrie, considéré par
Tel-Aviv comme une provocation. Ainsi, par exemple,
la Russie a renoncé à ses projets de vente du système missile S-300 à la Syrie
peu après la rencontre entre Vladimir Poutine et Benyamin Netanyahou.
Si, suite à l’offensive de la coalition occidentale lancée le 14 avril, le chef
de la diplomatie russe Sergei Lavrov a déclaré que « Moscou
n’avait plus d’obligations morales qui l’empêcheraient de fournir des armements
à Damas », le 11 mai, l’assistant du président russe Vladimir
Kozhine a assuré que « pour l’instant, il ne s’agit pas d’une
quelconque livraison de nouveaux systèmes » au gouvernement syrien.[3]
Deuxièmement, le choix du timing de l’attaque des forces
israéliennes sur les sites iraniens en Syrie qui a eu lieu le jour même de la
rencontre des deux homologues, ne semble pas être anodin.
Cependant, malgré le succès relatif de la
Russie dans la poursuite de ce jeu d’alliances, sa marge de manœuvre entre
l’Iran et Israël diminue au fur et à mesure que l’escalade des tensions entre
les deux Etats devient de plus en plus palpable. La résolution de ce problème
devra se faire au niveau régional plus large et nécessitera les efforts
d’autres acteurs influents, notamment l’UE. [4]
[1] Anaïs LLOBET,
« Moscou, arbitre de facto entre l’Iran et Israël », L’Orient le jour, 11 mai 2018
[3] Anna
SEDOVA, « Israil mstit Rossii za SCHA : ‘Pantsir-S1’ unichtozhen, postavki
S-300 sorvany » (Israël se venge contre la Russie pour les États-Unis :
‘Pantsir-S1’ détruit, la livraison de S-300 annulé), Svobodnaya Pressa, 11 mai 2018
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