Une des
grandes passions “hors-D.C.-la-folle” de Trump, sans doute la plus grande si
l’on met à part l’idylle supra-humaine avec le jeune Nord-Coréen Kim, c’est son
accointance affichée avec “danse de cimeterre”
à l’appui lors d’une visite à Ryad, avec le jeune Prince royal Mohamed ben
Salam, dit-MbS. Soudain, une
volée de tweets, la semaine dernière, a fait trembler l’édifice
passionnel qui soutient cette Grande Stratégie du cœur du
président : du minutieux-comptable “L’Arabie doit payer pour la protection
militaire des USA” au très-offensant “Si
les USA ne protègent plus l’Arabie, le régime s’écroulera en deux semaines”.
Ce à quoi MbS, se démarquant de Hitler d’au moins 100%, a répondu en promettant
un “royaume
pour 2.000 ans” alors que plus personne ne saurait ce que furent les
USA ; quant aux réformes que tout le monde réclame de l’Arabie, elles se
font, dit avec satisfaction le jeune MbS, avec
discrétion et sans casse, contrairement aux USA : « Regardez
les États-Unis d’Amérique, par exemple lorsqu’ils voulurent libérer leurs
esclaves : quel fut le prix à payer ? La guerre civile. Elle divisa
l’Amérique pour quelques années. Des milliers, des dizaines de milliers de
personnes moururent pour assurer leur liberté aux esclaves. »
Tout cela
n’est-il que l’écume des jours, dans une époque où la vitesse extraordinaire et
l’abondance écrasante de la communication permettent à peine d’enregistrer les
événements sans parler de les commenter ? L’on dit pourtant qu’il
s’agit plus que de l’écume des jours... L’on dit notamment et
principalement que la disparition d’un journaliste saoudien réputé proche de
certains dirigeants et potentats saoudiens éliminés durement par MbS en 2015,
devenu semi-dissident de bonne réputation et collaborateur du Washington Post et
de la BBC, bref que la disparition de Jamal Khashoggi qui a pénétré dans
le consulat saoudien d’Istanboul le 2 octobre et n’en est plus ressorti ajoute
à cette querelle publique un épisode tragique qui complique singulièrement les
choses. Le récit
de cette disparition, avec divers détails et l’hypothèse principale que Khashoggi aurait été pris,
torturé et exécuté par un groupe de tueurs des services saoudiens de sécurité, a
transformé cette affaire en crise. L’Arabie de MbS est mise en accusation
d’abord par la Turquie, où Khashoggi est très apprécié du pouvoir, mais
aussi in fine par les USA où il dispose d’amis très influents.
Le résultat
de ces divers épisodes ajoutés aux tensions qui se sont établies entre
Washington et Ryad à la suite de l’évolution du cours du pétrole (Washington
estime que Ryad ne fait pas assez d’efforts pour bloquer l’actuelle hausse que
provoque la proximité des sanctions US pour bloquer l’exportation de pétrole
iranien) conduit à l’observation de la
possibilité d’une évolution radicale de l’Arabie. Il s’agit d’une distance nouvelle prise avec les
USA, d’un rapprochement
discret mais tangible de la Russie (les deux pays ont des intérêts
communs pour ce qui concerne le marché du pétrole), et jusqu’à certains signes
pour l’exploration d’un
rapprochement lancés par l’Iran vers l’Arabie.
Ainsi notre
diplomate-commentateur indien M.K.Bhadrakumar résume-t-il
en conclusion son analyse publiée sous le titre « Les
relations USA-Arabie entre sur un territoire inconnu » :
« ...Téhéran
n’a pas perdu de temps pour faire une ouverture vers le régime saoudien pour
une union de résistance à l’intimidation américaine.
» On
sait bien sûr que le
régime saoudien a fait des efforts supplémentaires pour traiter avec Israël, ce
qui atténue considérablement l’isolement israélien au niveau régional et
confère à Tel-Aviv une “profondeur stratégique” bien nécessaire. Mais ce
qui est remarquable, c’est que paradoxalement, une rupture entre les États-Unis
et l’Arabie saoudite pourrait également avoir une incidence positive sur la
sécurité et la stabilité régionales au Moyen-Orient en donnant une impulsion à
un rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran, susceptible de calmer les
tensions au niveau régional.
» L’attitude
de Trump à l’égard de l’affaire Khashoggi contribuera certainement à la stature
de l’Arabie saoudite en tant que superpuissance énergétique à la tête de
l’OPEP. Trump semble frustré ces derniers temps du fait que l’OPEP ne joue pas
le rôle qu’il voudrait par rapport à l’évolution de la production de pétrole.
Les intérêts saoudiens et américains divergent et Ryad se tourne de plus en
plus vers Moscou en tant que principal interlocuteur pour les questions
relatives au marché mondial du pétrole.
» Dans
l’ensemble, l’affaire Khashoggi menace d’ouvrir une boîte de Pandore. Ce qui
est néanmoins absolument certain, c’est que Washington ne lâchera pas l’Arabie
saoudite sans un effort massif pour conserver ce pilier central de sa
géopolitique entre ses mains. »
Bien
entendu, il s’agit d’une dynamique typique de notre temps de désordre
en tourbillon crisique : une crise déclenchée au départ par les
“dégâts collatéraux” des mesures de sanctions absurdes décidées par les USA
contre l’Iran, sous les applaudissements de l’Arabie. Et plus on approche de
ces sanctions, et plus le prix du pétrole monte et, selon l’irascible et
tonitruant Trump, il est évident que le soudain-insupportable MbS ne
fait pas assez d'efforts pour bloquer la mauvaise tendance. Trump le dit à
sa manière, par
tweets insultants et humiliants, ce qui conduit MbS à riposter
par des leçons d’histoire tout aussi insultantes, cette fois de l’Arabie pour
les USA.
La danse du cimeterre |
Là-dessus
intervient l’affaire Jamal Khashoggi, personnage qui se trouve avoir des
relais puissants à Ankara et à Washington, ce qui accentue la grogne
anti-saoudienne à Washington. Cette grogne d’autant plus marquante dans le
contexte de communication actuelle, que l’on a fait à Jamal Khashoggi une
réputation de grand défenseur des droits de l’homme, – d’ailleurs justifiée
face aux mesures autoritaires, voire tout simplement meurtrières de la police
secrète de MbS.
Cette sorte
de réputation vous fait des Talleyrand-postmoderne aujourd’hui, et
il faut donc leur accorder toute leur immense importance malgré
l’abyssal effondrement diplomatique dont tout cela et tout ce qui nous
entoure sont la marque. L’ensemble se conclut pour l’instant par une
dégradation des relations USA-Arabie, saluée par un clin d’œil de Téhéran à
Ryad. On aura donc tout vu, et en un clin d’œil.
Bien entendu
(suite), il s’agit de ne pas prendre au pied de la lettre cette
évolution. Avec des joueurs aussi fantasques
que Trump, MbS et Erdogan, tout peut se retourner en un clin d’œil, car tout
est en trompe-l’œil (mais dans tous les sens...). Ce
qu’il importe plutôt de retenir, ce sont des enseignements dans le sens
inverse. La volatilité des personnages mais aussi l’extraordinaire nébulosité
et l’inconsistance sinueuse et capricieuse des relations qui font les
politiques, font justement que les alliances les plus solides peuvent
être manipulées dans le sens d’une dégradation, même temporaire, au gré des
humeurs et des revendications déraisonnables. Avant Trump-et-ses-tweets, jamais
un président des USA depuis Roosevelt en 1945 ne se serait permis de mettre en
cause le dirigeant suprême et royal de l’Arabie et la politique de son pays,
d’une façon aussi
leste, aussi tonitruante, aussi insultante, même sachant que les
liens stratégiques restent très forts et que l’on fera beaucoup, presque
l’impossible, pour les réparer... Mais ce “presque”-là est plutôt du
type dérangeant et inquiétant.
Cet épisode
implique, de part et d’autre, une dégradation de la qualité des
relations, fussent-elles celles qui existent entre
complices et gangsters ; car, malgré cette condition
incontestablement déplorable de ces divers
bandits de grands chemins internationaux, il existait un
décorum, une forme des relations très respectueuse qui avait une importance
très grande pour l’entretien de la relation. Cela importait d’autant plus que
les conflits au Moyen-Orient sont souvent entretenus artificiellement, avec une
très grande part de communication, et que, par conséquent, l’apparence
(la “communication”) des relations entre ces acteurs doit être d’autant plus
impeccable.
Toujours
dans les conséquences incontrôlables et malheureuses, on a l’épisode de l’Iran
vers l’Arabie, qui n’envisage pour l’instant et dans la très grande probabilité
des choses aucun bouleversement des relations mais qui marque, pour tous les
protagonistes de l’épisode, que l’Iran est prêt à une grande souplesse si les
choses le permettent, du moment que ce soit contre l’“ennemi principal”, les
États-Unis décidément. On a enfin, plus discrètement mais beaucoup plus
solidement que tout le reste, la
démonstration de la stabilité, du sérieux et de la puissance de la position de
la Russie en tant que partenaire sur lequel on peut complètement compter,
en complet contraste avec les épuisants excès dans tous les sens des
États-Unis.
Donc,
épisode distrayant, mais qui pourrait éventuellement, – fixons cela
aimablement à 10-20% de chances, – nous réserver des surprises d’éventuels
bien réels renversements d'alliance. (Avant, le pourcentage pour USA-Arabie
était de 0% par tous les temps.). La caractéristique des foucades, de ces
hurlements d’humeur suivies d’une danse du cimeterre au Palais de Ryad, – tout
cela de Trump, cela va sans dire, – c’est l’érosion de la perception du
sérieux des choses au profit d’un désordre qui coule comme du sable entre les
doigts, et finalement l’idée de la durabilité intangible de l’alliance
USA-Arabie devient aussi friable que la perspective d’une rupture.
C’est comme cela que finissent parfois les grandes amitiés intéressées que l’on
croyait coulées dans le bronze et qui ne l’étaient que dans le sable, malgré
les intérêts bien identifiés des partenaires...
Bref, tout
cela n’est pas sérieux jusqu’au jour où l’on se réveillera en
constatant que oui, finalement, tout cela est très sérieux. La part de
Trump dans l’apparition de cette possibilité est écrasante : c’est le
premier président qui démontre qu’il n’est
pas nécessairement sérieux d’être président des États-Unis ; et
alors, son énorme pouvoir devient l’outil
de déconstruction des structures de l’“Empire”. On le savait déjà
et, chaque jour, on le sait un peu plus...
Source : http://www.dedefensa.org/article/chamailleries-trump-mbs-signe-et-syle-des-temps
Un cheikh saoudien essaie de niquer son ânesse, elle le tue d'une ruadehttps://mufakerhur.org/ |
Ces 2 Régime cruelle et sanguinaires se soutiennent et ne sont rien sans l'autre !
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