La Chine
exploitera bientôt le port israélien de Haïfa, si tout se passe comme prévu.
Haaretz a
publié un
compte rendu sur une conférence, tenue fin août en Israël, au cours de
laquelle Shaul Horev, ancien directeur du cabinet de la marine et président de
la commission à l’énergie atomique, s’était alarmé de la prochaine remise à la
Chine de la gestion du port stratégique de Haïfa.
Ce changement avait été signé
il y a trois ans et demi par le ministère des transports et les autorités
portuaires, sans l’aval du conseil à la sécurité nationale ni de la marine
elle-même, qui est semble-t-il directement concernée au vu de la proximité de
sa flotte de sous-marins avec le port. La mise en œuvre imminente de l’accord a
soulevé les angoisses habituelles quand au « piège de la dette », aux
implications militaires, et assez étrangement, quant à se demander si Israël se
détourne des USA.
Manifestement,
ce à quoi nous observons résulte d’une faction des administrations militaires,
de renseignements et diplomatiques permanentes de l’État d’Israël – ou « État
profond » – qui veulent rejoindre la vision mondiale chinoise de la
connectivité portée par les Routes de la soie (One Belt One Road – OBOR),
alors que l’autre faction veut s’en tenir sans fléchir au soutien pro-américain
de Tel-Aviv et empêcher ces initiatives, ce qui génère les frictions aux yeux
du public sur ce sujet. Contrairement à ce que beaucoup dans les médias
alternatifs pourraient imaginer, Israël et la Chine n’ont fait que se
rapprocher au fil des dernières années, Pékin développant un intérêt pour
la proposition du train « Red-Med » [Train à grande vitesse Tel-Aviv
Eilat, NdT], qui viendrait relier mer Rouge et mer Méditerranée par voie
ferrée, et qui pourrait compléter voire un jour constituer une alternative au
canal de Suez.
L’accord
israélien permettant à la Chine de s’étendre et de venir gérer le port de Haïfa
constitue une indication de l’existence d’une faction influente de l’« État
profond », désireuse d’ouvrir des alternatives à la dépendance stratégique
de Tel Aviv envers les USA, en coopérant de façon pragmatique avec d’autres
grandes puissances en cours de constitution, comme on l’a vu par ailleurs dans
les coopérations avec la Russie au sujet
de la Syrie. Cette faction semble projeter un rôle d’Israël quelque peu
similaire à celui de son
nouveau partenaire, l’Inde, en jouant le même jeu de « multi-alignement »
entre grandes puissances, ce qui en théorie permettrait au pays de tirer le
meilleur parti de la « compétition » pour sa « loyauté »,
en négociant plus cher auprès de chacune des parties, USA y compris.
À supposer
que l’accord ne se voie pas entravé en dernière minute par la faction opposée
et ses alliés américains sur des considérations de « sécurité
nationale », Israël donnerait là aux routes de la soie leur meilleure
caution internationale, ce qui d’ailleurs pourrait bien constituer la raison
pour laquelle la Chine a monté ce projet dès le départ. Il est également
possible, comme évoqué
par Ber Cowen du Times of Israël, que la Chine maintienne des ambitions à
long terme de contrôler les accès européens aux ressources du Golfe, via les
ports méditerranéens, suite à un accord de paix en Palestine à venir qui
verrait les monarchies arabes reconnaître officiellement Israël, et faire
traverser des oléoducs sur son territoire pour économiser 40% des coûts de
transport par rapport au transit par le canal de Suez.
Quelles que
soient les intentions de la Chine – et il ne s’agit certainement pas de
s’affranchir d’Israël dans un « piège de dette » ou d’espionner ses
sous-marins – la controverse autour de cet accord révèle le fait que deux
factions de l’« État profond » sont en compétition en Israël et ont
rendu publique leur querelle sur Haïfa, chacune d’entre elles ayant ses raisons
– très différentes – d’estimer que le grand jeu se verrait changé si
l’accord devait se voir suivi de faits.
Le présent
article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique
context countdown, diffusée
sur Radio Sputnik le vendredi 21 septembre 2018.
Par Andrew
Korybko – Le 22 septembre 2018 – Source orientalreview.org
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