Plus
de vingt-quatre millions d’Irakiens étaient appelés aux urnes le 12 mai
dernier pour élire 329 députés. Quelques 6 000 candidats répartis en
plusieurs blocs électoraux, représentant 87 partis politiques, étaient
en lice. L’abstention a dépassé les 60%.
Alors que théoriquement auréolées par la participation déterminante de ses composantes miliciennes à la guerre contre l’Etat islamique, l’Alliance de la conquête (Aytalaf al-Fateh), dirigée par Hadi al-Amiri, leader des Forces de mobilisation populaire (Hachd al-Chaabi), aurait dû l’emporter, c’est Sairoun (La marche pour les réformes), le bloc soutenu par Moqtada al-Sadr, qui est arrivé en tête (54 députés contre 47 à sa rivale). Outre la lutte contre « les requins de la corruption »,
ce dernier avait appelé Bachar al-Assad à quitter le pouvoir, réclamé
la dissolution des milices sectaires, fait cause commune avec le Parti communiste irakien (PCI), et s’était entretenu à Djeddah avec le prince héritier saoudien Muhammad ben Salman, dit MBS, ennemi juré de l’Iran.
Un des pays les plus corrompus
Evidemment, les accusations de fraudes ont fusées, notamment de la part de personnalités « dégagées ».
Mis en cause : le fonctionnement des machines à voter et le décompte
des bulletins des Irakiens vivant à l’étranger. Dans un pays où les
précédentes élections législatives ont été de véritables mascarades, ces
pratiques – attestées dans la province de Kirkouk – rapidement oubliées.
Le taux record d’abstentions n’est pas due aux consignes de boycott du Parti Baas clandestin de Izzat Ibrahim al-Douri – aujourd’hui proche de l’Arabie - ou aux menaces de mort lancées par les cellules clandestines de l’Etat islamique,
mais au refus d’un nombre important de sunnites et de centaines de
milliers de déplacés qui croupissent dans des camps insalubres, de se
rendre aux urnes ; et, plus généralement, au ras-le-bol de millions
d’électeurs offusqués – c’est peu dire - par la gabegie qui règne depuis le renversement des Saddam Hussein. L’Irak, second producteur mondial de pétrole, est à la 12ème place dans le classement des pays les plus corrompus au monde.
Un gouvernement de technocrates ?
Cela
dit, les jeux ne sont pas faits entre Moqtada Sadr et Hadi al-Amiri.
Les tractations vont bon train, chacun de leur côté, pour constituer une
coalition capable de dépasser le seuil de 165 sièges permettant de
nommer le prochain Premier ministre.
Ce
ne sera pas simple car les Etats-Unis ne voient pas d’un bon œil un
gouvernement composé de forces politiques réclamant leur départ d’Irak,
et l’Iran est hostile à la constitution d’un pôle chiite souverainiste
dialoguant avec l’Arabie. En février dernier, Ali Akbar Velayati,
conseiller d’Ali Khameneï, Guide suprême de la révolution islamique
iranienne, avait déclaré que l’Iran ne tolèrerait pas que des « libéraux et des communistes gouvernent l’Irak ».
Il visait, sans le nommer, Moqtada qui dit vouloir constituer un
gouvernement de technocrates représentant les différentes composantes de
la société irakienne.
Une guerre civile intra-chiite
Moqtada al-Sadr ou Hadi al Amiri ? On attend la décision que prendront les chiites du Mouvement de la sagesse nationale (Hikma) d’Amar al-Hakim (19 députés), et les Kurdes talabanistes (UPK- 18 députés). Et, on imagine que les élus des petits partis et des minorités ethniques ou religieuses (9 sièges réservés) sont très sollicités.
Place Tahrir, à Bagdad: les partisans de Moqtada al-Sadr fêtent leur victoire |
De quel côté pencheront les Kurdes barzanistes (PDK- 25 députés) et le bloc sunnite Wataniya (Patriotes) d’Iyad Allawi (21 députés) ? Résisteront-ils aux pressions des Etats-Unis ou d’Israël désireux de barrer la route à Moqtada al-Sadr ou à Hadi al-Amiri ?
Aux dernières nouvelles, Haïdar al-Abadi dont la liste – L’Alliance de la victoire – est arrivée en 3ème position (42 députés) aurait décidé de quitter le Parti al-Dawa,
et de s’allier avec Moqtada. Nommé en 2014 en remplacement de Nouri
al-Maliki, grâce à un accord tacite entre les Etats-Unis et l’Iran,
Abadi espère rempiler comme Premier ministre de compromis…
Une
entente entre Moqtada al-Sadr et Hadi al-Amiri est encore du domaine du
possible. Il ne faudrait pas qu’une confrontation entre les deux grands
vainqueurs des législatives, mettant en cause l’existence de l’ « Axe de la résistance », c’est-à-dire l’alliance Iran-Irak-Syrie-Hezbollah - Houtis, débouche à terme sur une guerre civile intra-chiite
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