La menace n’est pas notre propos, mais
elle se réduit à l’adoption du « chaos créatif américain » qui devait
balayer la plus grande partie du Moyen-Orient et certaines parties du
monde musulman avec un coût minimaliste.
Contrairement à toutes les attentes des
services de renseignement, la défaite du terrorisme en Syrie et en Irak
et la cohésion des deux États incitent les pays planificateurs à adopter
de nouveaux mécanismes censés être en mesure de répondre aux objectifs.
Nous sommes donc au cœur du chantage
politique avec l’utilisation de la rétention de l’eau contre trois pays
arabes, à savoir l’Irak, la Syrie et l’Égypte, et en empêchant le Liban
et la Syrie de bénéficier des rivières Hasbani, Al-Wazzani, Banias et
des sources d’Al-Hamma qui forment le réservoir du Jourdain.
Que se passe-t-il donc ?
Au cours des deux derniers jours, les
Irakiens ont été étonnés en découvrant la grande sécheresse qui a frappé
le Tigre qui constitue, avec l’Euphrate, l’un des fleuves éternels de
l’Irak.
Ces fleuves prennent leur source en
Turquie et traversent les frontières jusqu’à leur embouchure dans le
Chatt-al-Arab. Ils jouent un rôle vital pour l’Irak et la Syrie, en
contribuant au développement des structures sociales en Irak
particulièrement, et relativement en Syrie qui ne bénéficie que de
l’Euphrate, bien que le Tigre passe par des régions voisines de ses
frontières avec la Turquie. Les Irakiens ont rapidement découvert la
raison pour laquelle le Tigre s’assèche, notant que des dizaines de
barrages retenaient les eaux du fleuve à un moment où l’Irak était
engagé dans la lutte contre le terrorisme. Le plus grave est que le
nouveau barrage d' »Ilısu » turc accentue l’ampleur de la crise en
retenant de grandes quantités d’eau du Tigre, sous prétexte que c’est un
nouveau barrage censé remplir ses cuves en une fois afin que les Turcs
puissent effectuer des remplissages progressifs ultérieurement.
Ce que les dirigeants d’Ankara font est
contraire aux traités régissant le partage des eaux transfrontières
ainsi que les coutumes en vigueur, en plus des accords consensuels selon
lesquels un pays riche en eaux peut laisser passer de grandes quantités
d’eau d’un fleuve prenant source sur son territoire vers d’autres pays.
Mais ces mesures restent soumises aux bonnes relations politiques entre
les deux pays concernés.
La Turquie a organisé ses relations
hydrauliques avec l’Irak et la Syrie sur la base de la force, d’une
part, et de l’absence de son besoin vital pour les eaux des deux
fleuves, d’autre part. Toutefois, la Turquie a profité de l’explosion
des troubles dans ces deux pays pour s’embarquer progressivement et sans
retenue dans la plus grande prise de contrôle du Tigre et de
l’Euphrate, en y construisant le plus grand système de barrages. La
Syrie et l’Irak étant toujours préoccupés par leurs crises internes, en
plus de l’abandon des agriculteurs des zones de tension et la diminution
des besoins en eau potable en raison de l’exil hors des deux pays, ils
n’ont pu observer les crimes de la Turquie liés à l’eau.
La perspective du dessèchement du Tigre
est plus grande qu’on ne croit. Il y a des civilisations historiques
successives et basées sur des structures sociales accumulées qui ne se
seraient pas sédentarisées sans ressources hydrauliques abondantes.
C’est ce qui distingue l’Irak de l’Arabie Saoudite, du Koweït, du Qatar
et d’autres pays qui n’ont pas connu de civilisation avant l’Islam,
alors que l’Irak est riche de toutes ses étapes civilisationnelles. Cela
signifie que l’incapacité à trouver une solution définitive avec la
Turquie pourrait conduire à la désertification de l’Irak et à son
recours au dessalement de l’eau de mer, comme ses voisins, ou à son
démantèlement.
Et ce n’est pas du tout innocent…
Pourquoi Ankara retient les eaux du Tigre à la suite de plusieurs
développements : le déclin de son rôle en Irak en général, la
conjonction avec la formation du nouveau gouvernement dans ce pays, sa
persistance à occuper une partie du territoire irakien et sa menace de
préparer des attaques ciblant les Kurdes irakiens appuyant le PKK
d’Öcalan, comme elle le prétend.
C’est tout aussi grave en Syrie avec la
rétention des eaux de l’Euphrate qui prend sa source en Turquie,
traverse la Syrie et l’Irak et se jette dans le Chatt-al- Arab.
L’Euphrate et ses affluents irriguent les plaines syriennes orientales
et jouent un rôle important dans l’approvisionnement du pays en eau
potable. Mais la Syrie, en proie au chaos créatif depuis sept ans, a été
affectée par le déplacement d’une grande partie de sa population vers
l’extérieur et par l’arrêt relatif de son agriculture … Les spécialistes
n’ont pu découvrir l’ampleur du déclin de l’affluence de l’Euphrate en
Syrie.
Et juste pour le rappel, il est à
mentionner que Damas, pour préserver les intérêts irakiens, n’a jamais
prélevé quelque quantité d’eau du Tigre qui traverse ses zones
frontalières avec la Turquie.
A son tour, l’Égypte est également sous
le scalpel du chirurgien américano-israélien, habillé en costume
africain d’Éthiopie. Dès que l’Égypte se sort d’une catastrophe, une
autre l’atteint. Le barrage « Al-Nahda », (Renaissance) , en voie d’achèvement, a été
construit par l’Éthiopie avec une couverture israélo-américaine et un
soutien soudanais. Le prétexte est que l’Égypte prend plus que sa part
de l’eau du fleuve, qui passe par cinq pays africains avant d’atteindre l’Égypte.
La gestion des eaux transfrontalières du
Nil s’effectue par une série de traités conclus par le colon
britannique avec tous les États riverains, stipulant l’interdiction de
toute construction le long du cours du fleuve, de sa source à la
frontière soudano-égyptienne, dommageable à la quantité d’eau allant
vers l’Égypte. Ces traités sont certifiés et disponibles aux
Nations-Unies. Ce qui signifie, qu’en vertu de ces traités signés par
les pays riverains, le barrage d’Al-Nahda et toute structure similaire
ne peuvent être construits qu’après l’approbation de l’État égyptien. Et
c’est ce que l’Éthiopie n’a pas respecté, avec la couverture publique
de Washington et Tel-Aviv… Cette dernière exige, comme il se dit dans
certains milieux, une part des eaux du du Nil pour arrêter de soutenir
Addis-Abeba.
En ce qui concerne le Liban et la Syrie,
leurs eaux transfrontalières se rencontrent sous un nouveau nom, le
Jourdain, investi intégralement par Israël qui empêche les pays en amont
de bénéficier de l’eau. Il y a les sources de Hamma, la rivière de
Banias et les cours d’eau du Golan syrien occupé qui se jettent en mer
de Galilée, ainsi que le fleuve Wazzani qui rejoint le Hasbani en
territoire libanais et continuent leur traversée jusqu’à Tibériade en
Palestine occupée. Et c’est là que les affluents se rejoignent pour
reprendre leur cours sous le nom du Jourdain. Israël, qui a aussi mis
main basse sur les eaux syriennes depuis l’occupation du Golan, empêche
les Libanais d’exploiter un litre d’eau dans leurs rivières à Wazzani et
Hasbani. Là, les spécialistes se gaussent du fait que le Liban ne
profite que de la pêche, de la construction de cafés, de l’attraction
touristique et de l’organisation de concerts et de zélotes et rien
d’autre.
L’appétit d’Israël pour l’annexion du
Litani de bien des façons, y compris le drainage de ses eaux jusqu’à la
frontière libanaise avec la Palestine occupée ne doit pas être
dissimulé. Ce rêve a été brisé par la résistance libanaise en 2000 et
2006. Mais il ne s’agit pas de tirer un trait définitif sur le sujet. Il
faudra toujours se rappeler du fameux message de Ben Gourion
l’Israélien au président français De Gaulle : « S’il vous plaît, à la
dernière minute, soutenez l’annexion du Litani à l’État d’Israël ».
Les Libanais ont-ils oublié combien de fois Israël a tenté d’acheter ou au moins de louer le Litani ?
Et quelles sont les répercussions de la
rétention de l’eau sur l’Égypte : Il suffit de rappeler ce que le père
de l’histoire africaine Hérode a dit : « l’Égypte est le don du Nil » et
« Sans le Nil, l’Égypte aurait été un désert stérile ».
Comment réconcilier l’ordre social
irakien, la Mésopotamie, sans le Tigre et l’Euphrate ? Peut-il répondre
aux besoins essentiels en eau de ses 35 millions d’habitants ?
Par déduction, il apparaît est qu’il
existe de nouvelles formes de ciblage de l’Irak, de la Syrie, de l’Égypte et du Liban, visant à détruire les entités politiques, par la
fragmentation et la déliquescence …. Surtout pour l’Irak et l’Égypte qui
n’ont pas d’autres ressources en eau que les fleuves ciblés, le Nil, le
Tigre et l’Euphrate. Quant à la Syrie, elle peut se contenter d’un taux
de pluviométrie acceptable et dispose d’autres ressources telles
l’Oronte qui prend sa source au Liban, parcourt la Syrie et se jette
dans l’Iskandaron syrien occupé par la Turquie.
Et si, en plus, les quatre pays ciblés
ont le taux de natalité le plus élevé au monde et des sources en eau non
renouvelables en état d’épuisement permanent, cela montre la profondeur
du problème et sa nature structurelle, ainsi que sa capacité à
démanteler progressivement les structures sociales sous la pression de
la grande pénurie d’eau.
Ce manque pourrait-il jouer le rôle du
chaos créatif dans la destruction des sociétés ? Il n’y a pas de pays
sans sources d’eau. Le dessalement de l’eau de mer peut être une
solution temporaire, mais avec des pays non pétroliers comme le Liban, l’Égypte, la Syrie et les pays d’Afrique du Nord, ce ne sera que le
prélude de la désintégration sociale et politique allant jusqu’à
l’implosion des entités politiques.
Sommes-nous à la veille de changements
majeurs semblables à l’époque de la Première Guerre mondiale ? Pour les
pays ciblés, la solution est dans l’union, l’unité des positions et
l’imposition d’un retour aux traités internationaux et aux normes
historiques. Cela exige une certaine force.
Dr Wafik Ibrahim
Traduit par Rania Tahar
Article original en arabe : http://www.al-binaa.com/archives/article/190397
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